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REVUE. — CHRONIQUE.

nistie était déjà résolue. Mais on voulait éloigner toute immoralité, quelque légère qu’elle fût, de ce grand acte de clémence, et l’entourer, au contraire, de tout l’éclat que donnent les pensées droites et nobles, exécutées avec franchise. La France peut juger maintenant et dire quels ont été les faibles, les timorés et les impuissans, de ceux qui, ayant le projet d’établir un système d’oppression et de rigueur, n’ont eu ni le crédit ni l’énergie de l’exécuter, ou de ceux qui ont assez cru à leur force pour accomplir des actes de clémence dont ils avaient la pensée.

Le ministère devait cette preuve d’estime et de confiance au pays, tant calomnié par les organes du parti doctrinaire. Faire des lois de répression telles que les lois de septembre, c’est, si l’on veut, obéir à une nécessité sociale, à un besoin en de certaines circonstances ; mais ces lois faites et en vigueur, et les maux dont on se plaignait déjà presque entièrement réprimés par ces lois, il est injuste et d’un mauvais calcul de crier sans cesse que la société est plus en danger que jamais et qu’elle va périr. C’était là cependant toute la tactique du parti que le bon génie de la France vient d’éloigner des affaires. Elle consistait à semer l’épouvante, à répandre des prédictions sinistres, et à crier à ceux qu’on ne pouvait effrayer, et que toutes ces sombres déclarations laissaient impassibles et calmes : Vous êtes des lâches, vous qui n’avez pas peur, et qui ne vous armez pas pour combattre avec nous les fantômes que nous évoquons ! — Les lâches ont prouvé qu’ils n’avaient pas peur, même des doctrinaires, et en peu de jours ils ont éclairci tout l’horizon politique, qui commençait à se rembrunir sérieusement.

Une circonstance doit être remarquée dans le premier acte politique de ce cabinet. C’est le choix du moment où l’ordonnance d’amnistie a été rendue. La crise commerciale se fait encore sentir. Une gêne cruelle et une souffrance de tous les intérêts pèsent sur nos plus grandes villes, et s’étendent sur toute une partie de la France ; mais la tranquillité et l’esprit d’ordre ont régné partout, comme pour répondre aux accusations dont le pays est l’objet, et comme pour manifester bien hautement que ceux qui l’accusent, se trompent d’époque. La France a vraiment donné le spectacle touchant d’une grande famille, dont aucun membre ne souffre sans que tous les autres ne s’empressent de le secourir. On a oublié toutes les différences d’opinion pour payer son tribut à l’infortune. Le gouvernement a vu quelles ressources on peut trouver dans la nation, quand on s’adresse à ses passions généreuses, et c’est ce moment qui a été choisi pour accomplir un acte de clémence. Les prisons ont été évacuées, les coupables pardonnés ; ceux que ne touchera pas l’indulgence qu’on leur montre, et qui n’accepteront pas l’oubli dont on leur donne l’exemple, on les défie en quelque sorte de troubler l’ordre établi sur de