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DE L’AMNISTIE ET DE LA SITUATION POLITIQUE.

France, qu’il était possible et même facile à la France de secourir l’Espagne, qu’il y avait dans la question espagnole un intérêt français de premier ordre. Ajoutez à cette déduction rigoureuse une foule de détails curieux, de développemens piquans, de traits pleins de finesse, comme celui-ci : ce n’est pas pour la paix, mais pour la guerre qu’on fait la diplomatie, et l’on reconnaîtra que ce discours est marqué parmi les harangues de tribune d’une originalité particulière. C’est le manifeste d’un homme d’état. M. Thiers possède à un haut degré le talent de tout dire ; il triomphe dans les détails ; sa discussion sait tout expliquer ; elle porte la lumière dans les nuances les plus fugitives, et parvient à tout éclaircir par une démonstration irrésistible.

Il n’est pas dans le goût et dans l’esprit de l’historien de la révolution française de se plaire dans les généralités politiques qui n’ont pas une application immédiate. M. Thiers eût pu sans doute faire suivre son beau discours sur l’Espagne d’un programme où il eût expliqué comment il entendait aujourd’hui la politique intérieure ; mais il a mieux aimé attendre une occasion difficile et saillante où sa parole atteignît sur-le-champ par une habile opportunité la valeur d’un fait et d’une action politique. Il s’est placé entre M. Guizot et M. Odilon Barrot ; il a parlé comme ce dernier de la nation, et non pas uniquement de la classe moyenne, puis il a apprécié la situation avec une lumineuse sagacité. Si nous avons été si fortement réunis, a-t-il dit en s’adressant à l’ancienne majorité, la cause en est évidente, c’était le danger qui nous maintenait si bien tous ensemble. Il fallait s’arrêter ; nous avons combattu sur le terrain de Périer, comme nous eussions combattu même sur celui de M. Barrot. Aujourd’hui cette situation est épuisée, et désormais deux routes se présentent : ou bien changer soi-même avec la situation, donner au gouvernement un aspect nouveau, calmer les esprits, appeler les talens aux affaires, chercher à l’activité nationale de nobles applications, ou bien nier le changement, s’entêter à revenir sur des traces effacées, continuer à tendre les ressorts sans raison dans le présent, mais par réminiscence du passé ; c’est, comme l’a dit spirituellement l’orateur, la politique homogène. M. Thiers a fait subir à la fatuité de ses adversaires un douloureux supplice ; il les a convaincus d’impuissance ; il leur a dit : Vous avez échoué, vos lois ont été rejetées ; vous avez cherché l’unité néces-