sont utiles et bonnes, doivent se révéler à l’humanité ; on peut bien, à force de ruse et de calcul, en retarder l’apparition de quelques jours, mais il ne dépend ni d’un empereur, ni d’un peuple, de les exploiter éternellement à leur profit. Si, par un sentiment d’égoïsme national, vous refusez de faire part à l’humanité de vos découvertes, Dieu, qui ne se lasse pas, soufflera l’esprit qui vous a dirigés dans le cœur d’un autre homme, celui-ci accomplira sa mission avec plus de loyauté, et la reconnaissance du monde ira vers lui. Il me semble que cela peut se dire aussi pour les œuvres du génie, qui sont après tout des découvertes dans le champ infini de l’imagination.
Les beaux-arts commencent à s’éveiller de la torpeur funeste où la gravité des temps les avait fait languir. Voyez autour de vous ; tout palpite, et s’anime et prend forme. Une haute et intelligente pensée dirige le travail. Versailles se fait comme aux jours de Louis XIV, l’œuvre de Michel-Ange s’installe aux Petits-Augustins, et le musée espagnol va s’ouvrir. Qu’elle en ait notre reconnaissance, ainsi que les ministres qui l’ont si dignement comprise, MM. Thiers et de Montalivet. Voilà qui répond mieux que les plus belles paroles à tout ce qu’on peut dire. La France veut des arts ; il lui faut, pour qu’elle soit heureuse, de la musique et des tableaux : nous n’osons nommer encore la poésie ; mais les temps viendront. Grace à Dieu, nous n’en sommes plus à discuter cette thèse ridicule que l’art est une chose frivole. S’il y a encore aujourd’hui des gens qui ne voient dans une partition de Mozart ou dans une peinture de Raphaël qu’un moyen de tuer le temps, ils ne l’avouent guère tout haut. Cette importance de l’art doit grandir encore avec les siècles. Les nations finiront par comprendre qu’elles n’ont pas entre elles de point de contact plus sensible que celui-là. Or, voilà ce qui fait qu’on ne saurait trop louer la fondation d’un musée espagnol, aujourd’hui que ce malheureux peuple se débat sous la main de fer d’une double nécessité. Il y a dans cette idée plus d’un germe fécond pour l’Espagne ; et, croyez-le bien, désormais si les temps sont venus, ces beaux anges en extase de Murillo, ces moines ascétiques de Zurbaran, ces martyrs sublimes de Ribera parleront aussi à la France de sympathie nationale et d’intervention.