Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/547

Cette page a été validée par deux contributeurs.
537
GALERIE ESPAGNOLE AU LOUVRE.

énergique et fier comme Salvator ; et Capitan Juan de Toledo, guerrier et peintre de batailles, Espagnol de bonne race, qui tient une épée d’une main, un pinceau de l’autre ; Alonzo Cano, artiste de la famille de Michel-Ange, peintre, architecte et statuaire, le même qui tua sa femme, et dont les bourreaux respectèrent le bras droit, qui avait créé tant de chefs-d’œuvre ; puis encore Jose Ribera, duquel Byron a dit qu’il colorait ses toiles avec le sang des martyrs ; puis Juan de Juanez, qui enveloppe les pieds de ses anges dans de longues et flottantes robes blanches ; puis Francisco Zurbaran, le peintre sublime de la vie monastique, et tant d’autres que j’oublie, et qui se sont groupés, à Madrid, autour de Velasquez ; à Séville, aux pieds de Murillo. Si nous avons tardé jusqu’à présent à citer les grands noms de Murillo et de Velasquez, ce n’est pas que l’on ait commis à leur égard la moindre négligence dans la composition du nouveau musée ; au contraire, grace à cette magnifique entreprise, la France possède aujourd’hui, en plus grand nombre que jamais, d’inappréciables chefs-d’œuvre de ces deux maîtres. Nous avons commencé par les autres, tout simplement parce qu’ils étaient nouveaux pour nous, et méritaient, à ce titre, d’être traités avec plus de cérémonie. Parmi tous ces grands peintres, dont la renommée va désormais nous devenir de jour en jour plus familière, le plus fécond et le plus divinement inspiré, celui dont l’imagination dispose de la forme la plus austère, des teintes les plus mâles et du caractère le plus profond, c’est, sans contredit, Zurbaran. Zurbaran affectionne les sujets empruntés à la vie des cloîtres ; mais non point à cette vie rose, épanouie, et telle qu’il est convenu de la reproduire depuis Voltaire. Zurbaran est le peintre de la règle inexorable et de la pénitence ; nul ne sait mieux que lui les mystères de ces ames désolées par l’excès de la foi ; nul ne sait mieux que lui vêtir d’un suaire claustral ces corps épuisés par le jeûne et la prière, et rendre avec une plus effrayante vérité ces orbites qui se creusent, ces tempes livides, ces mains décharnées, et ces pauvres pieds qui se sont usés à fouler un sol pétri de larmes et d’ossemens. Il faut voir ce moine recueilli qui tient entre ses mains une tête de mort, et semble l’interroger, non pas comme Hamlet, le sourire sur les lèvres, mais avec une gravité solennelle, et comme pour s’inspirer quelque salutaire terreur. Il faut voir aussi le saint François en