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MAUPRAT.

m’affliger de leurs maux, à m’indigner contre ceux qui les causaient ; et quand, pour la première fois, j’entrevoyais la possibilité de faire quelque chose pour quelques-uns, ceux-là fermaient bien vite leur porte du plus loin qu’ils m’apercevaient, et leurs enfans, de beaux enfans que j’aime tant, se cachaient dans les fossés pour n’avoir pas la fièvre, que je donnais, disait-on, avec le regard. Cependant, comme on savait l’amitié qu’Edmée avait pour moi, on n’osa pas me repousser ouvertement, et je vins à bout de savoir ce qui nous intéressait. Elle apporta remède à tous les maux que je lui fis connaître. Une maison était lézardée, et tandis que la jeune fille portait un tablier de cotonnade à quatre livres l’aune, la pluie tombait sur le lit de la grand’mère, et sur le berceau des petits enfans ; on fit réparer les toits et les murailles, les matériaux furent fournis et les ouvriers payés par nous ; mais plus d’argent pour les beaux tabliers. Ailleurs une vieille femme était réduite à mendier, parce qu’elle n’avait écouté que son cœur en donnant son bien à ses enfans, qui la mettaient à la porte, ou lui rendaient la vie si dure à la maison, qu’elle aimait mieux vagabonder. Nous nous fîmes les avocats de la vieille, avec menace de porter, à nos frais, l’affaire devant les tribunaux, et nous obtînmes, pour elle, une pension que nous augmentâmes de nos deniers, quand elle ne suffisait pas. Nous amenâmes plusieurs vieillards, qui se trouvaient dans la même position, à s’associer et à se mettre en pension chez l’un d’entre eux à qui nous fîmes un petit fonds, et qui, ayant de l’industrie et de l’ordre, fit de bonnes affaires, à tel point que ses enfans vinrent faire leur paix et demander à l’aider dans son établissement. Nous fîmes bien d’autres choses encore dont le détail serait trop long et que vous verrez de reste. Je dis nous, parce que peu à peu, quoique je ne voulusse me mêler de rien au-delà de ce que j’avais fait, je fus entraîné et forcé à faire davantage, à me mêler de beaucoup de choses, et finalement de tout. Bref, c’est moi qui prends les informations, qui dirige les travaux et qui fais les négociations. Mlle Edmée a voulu qu’il y eût de l’argent dans mes mains, que je pusse en disposer sans la consulter d’avance ; c’est ce que je ne me suis jamais permis, et aussi jamais elle ne m’a contredit une seule fois dans mes idées. Mais tout cela, voyez-vous, m’a donné bien de la fatigue et bien du souci. Depuis que les habitans