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LES TEMPLIERS.

Les papes avaient eux-mêmes préparé leur captivité d’Avignon en nommant depuis un siècle une foule de cardinaux français en haine de l’Empire. Les rois de France se trouvèrent ainsi maîtres des élections papales. En 1305, Philippe-le-Bel se rend dans une forêt de Saintonge, près de Saint-Jean-d’Angely ; le Gascon Bertrand de Gott, archevêque de Bordeaux, l’y attendait. Là se fit un marché diabolique : le roi promit à Bertrand de Gott de le faire pape ; Bertrand promit tout ce que le roi voulut, de venir se mettre à sa discrétion à Avignon, de condamner la papauté elle-même dans la personne de Boniface VIII ; pour la dernière condition, elle était telle que Philippe exigea que l’archevêque s’y soumit sans la connaître. Ce n’était pas moins que la suppression de l’ordre des templiers, la ruine de quinze mille chevaliers chrétiens. Bertrand jura et fut pape sous le nom de Clément V[1].

Qu’était-ce donc que le Temple ?

À Paris, l’enceinte du Temple comprenait tout le grand quartier, triste et mal peuplé, qui en a conservé le nom. C’était un tiers du Paris d’alors. À l’ombre du Temple et sous sa puissante protection vivait une foule de serviteurs, de familiers, d’affiliés, et aussi de gens condamnés ; les maisons de l’ordre avaient droit d’asile. Philippe-

  1. M. Michelet a bien voulu détacher, pour la Revue, le remarquable fragment qu’on va lire des deux nouveaux volumes de son Histoire de France, qui paraîtront du 15 au 20 mai. L’un de ces volumes, le troisième, contient la suite des évènemens depuis la mort de saint Louis jusqu’à celle de Charles V ; l’autre est consacré aux Origines du droit français, cherchées dans les formules et symboles du droit universel.