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REVUE. — CHRONIQUE.

ne lui interdisait que les élections, cet élément du futur cabinet qu’on méditait. Mais personne n’ayant voulu seconder les projets de M. Guizot, et la dislocation se trouvant opérée de son fait, il fallut bien que M. Molé se chargeât de reconstituer le cabinet.

M. Molé et M. de Montalivet se trouvaient naturellement rapprochés par les principes qui séparaient profondément ce dernier de M. Guizot. Peu de lois politiques, point de mesures de réaction, une politique de paix, et non de guerre civile, point de ces masses de destitutions des députés fonctionnaires, comme en demandait M. Guizot dans le conseil après le rejet de la loi de disjonction ; admission du principe d’une amnistie pour le mariage du duc d’Orléans, rejeté avec violence par M. Guizot, tels étaient les points sur lesquels M. Molé et M. de Montalivet devaient s’entendre, et le drapeau qu’ils pouvaient porter en commun. On sait ce qui advint des conférences qui eurent lieu et auxquelles prirent part M. Humann et le maréchal Soult. M. Molé et M. de Montalivet ne purent se décider à abandonner la loi d’apanage que l’un avait présentée à la chambre, que l’autre, par sa position, se trouvait appelé à soutenir ; et du respect de M. Molé pour sa parole, d’un sentiment délicat de sa position, des scrupules de M. de Montalivet, s’élevèrent des impossibilités qu’on ne put vaincre. Les doctrinaires s’égayèrent beaucoup de ces scrupules, et plaisantèrent agréablement de l’impuissance de former un cabinet qui en résultait pour M. Molé. On ne tarda pas à voir, en effet, que, quant à eux, leur impuissance dérivait de tout autres causes, et qu’ils ne se laissaient pas arrêter par de pareils motifs.

Les chances ministérielles vinrent alors à M. Guizot. Pendant les négociations de M. Molé, les amis de M. Guizot et ses organes presque officiels répandaient, au sujet de ces conférences, des nouvelles dont l’inexactitude était le moindre défaut. Ils montraient M. Molé et le maréchal Soult se disputant sur la question de la présidence, et M. Humann demandant le retrait d’une longue liste de lois dont il n’avait même pas fait mention, tandis qu’il ne s’était agi que de la loi d’apanage, et ils ajoutaient que la combinaison avait été rompue par une volonté suprême, qui n’avait pas eu à se prononcer, puisque les scrupules de deux des ministres futurs avaient empêché la réalisation d’un programme. Quoi qu’il en soit, M. Guizot vint de nouveau à M. Molé, et lui offrit la restauration du cabinet qui s’écroulait, en insistant toutefois pour qu’on lui confiât la direction du ministère de l’intérieur. M. Molé, qui se trouvait plus rapproché que jamais de M. de Montalivet par la démarche qu’ils venaient de faire en commun, répondit pour la seconde fois que le portefeuille de l’intérieur resterait à M. de Gasparin ou qu’il serait remis à M. de Montalivet.