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DU GOUVERNEMENT PARLEMENTAIRE.

veut-on un exemple ? Guillaume III, après avoir signé le traité de Ryswick, au plus fort de la popularité que lui avait faite une guerre heureuse contre la France, témoigna aux communes qu’il ne croirait pas l’Angleterre en sûreté, si l’on ne tenait pas une armée de terre sur pied. Ce roi nouveau, qui, chez une nation commerçante et industrielle, avait porté l’esprit guerrier, désirait imiter Louis XIV pour mieux lui résister ; il croyait d’ailleurs ne pouvoir se passer d’une puissance militaire considérable, au milieu des mécontentemens et des conspirations qui éclataient contre sa personne et son gouvernement. Mais la majorité du parlement et la nation ne pouvaient voir sans alarmes et sans douleur le projet de la cour de tenir une armée sur pied. À ce sujet, la fermentation était si générale, que les amis du roi, dans la chambre des communes, n’osèrent s’opposer ouvertement à la réduction des troupes. Ils cherchèrent seulement à persuader à la chambre d’en retenir un petit nombre ; mais, malgré toute l’habileté de leurs manœuvres parlementaires, ils ne purent obtenir que 350,000 liv. sterl. pour l’entretien de dix mille hommes, auxquels on finit par ajouter trois autres mille pour le service de mer. Le comte de Sunderland, auquel les communes attribuaient le projet d’une armée permanente, voulut échapper à leur ressentiment, et se démit volontairement de ses emplois. Quant à Guillaume, il fut tellement irrité, qu’il lui échappa de dire à ses intimes qu’il ne se serait jamais mêlé des affaires de l’Angleterre, s’il avait pu prévoir tant de défiance et d’ingratitude. L’année suivante, un nouveau parlement, convaincu que le roi voulait entretenir un plus grand nombre de troupes qu’il n’avait été voté par la chambre précédente, résolut de lui faire sentir son mécontentement. Il s’abstint de le complimenter par l’adresse d’usage, vota le licenciement de toutes les troupes à la solde de l’Angleterre au-delà de sept mille hommes, la réduction de celles d’Irlande à douze mille, et décida que des sujets indigènes pouvaient seuls faire partie des troupes conservées. Les ministres même de Guillaume, avant l’ouverture du parlement, lui avaient déclaré qu’ils pourraient obtenir un vote pour dix ou douze mille hommes, mais qu’ils ne se chargeraient pas d’en faire consentir un plus grand nombre. Guillaume indigné menaça d’abandonner le gouvernement : il écrivit même dans cette intention un discours qu’il devait prononcer aux