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assurer son triomphe, quand elle a acquis le caractère d’une conviction et d’une volonté nationale. Voilà pour l’ordre spéculatif des choses. Pour la pratique, le désordre peut s’introduire dans le jeu des différentes parties de ce gouvernement ; tantôt on pourra voir la presse dépasser avec impétuosité les pouvoirs parlementaires, tantôt les chambres la traiteront à leur tour avec dédain et colère, ou bien il n’y aura point entre le roi et les chambres une entière harmonie. Ces accidens sont fâcheux, mais non pas irréparables. La publicité même de ces inconvéniens en facilite le remède, et la lumière sauve de l’abîme.

Si aujourd’hui nous cherchons la cause principale du mal qui nous mine et nous affaiblit, nous ne la trouverons pas tant dans les prétentions de la couronne que dans la conduite de la chambre des députés. Nous disons que c’est surtout parce que la chambre n’a pas le sentiment de son droit et de sa force que nous souffrons.

Au fond, qu’y a-t-il ? Depuis l’ouverture de la session, la couronne a pris des résolutions, fait des propositions et des demandes qui ont pu déplaire, tant au pays qu’à la chambre. Mais depuis quand est-il garanti par une constitution politique, que jamais un pouvoir ne s’égarera, que toujours ses prétentions seront justes et ses vues judicieuses ? Le gouvernement parlementaire se propose précisément de redresser un pouvoir par un autre, et de corriger par le contrôle des chambres les erreurs de la couronne. Il y a dans la conscience de la chambre cette opinion erronée, qu’elle ne saurait refuser à la couronne ce qu’elle lui demande, sans ébranler profondément le pouvoir royal. Grave erreur, car elle est appelée à le fortifier en le contredisant. S’il en était autrement, pourquoi les monarchies constitutionnelles seraient-elles préférables aux monarchies absolues ? Si l’on doit, sous peine de perturbation sociale, accorder à la couronne tout ce qu’elle demande, pourquoi l’hypocrisie des formes et des délibérations parlementaires ? C’est parce que le refus est possible et nécessaire, qu’il y a au-dessous du roi des agens responsables auxquels ce refus s’adresse, qui en supportent les effets. Quand le roi a changé son ministère, il est censé n’avoir rien demandé ni rien proposé.

Même dans les questions les plus délicates qui ont quelque chose d’intime et de personnel, le roi peut recevoir des chambres un refus sans dommage pour sa dignité et sa véritable puissance. En