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lontaire de langage qui réussit auprès de la foule. Le vers qu’il a choisi est de tous les vers anglais le plus sérieux et le plus difficile. Dans le vers blanc, le choix des moindres expressions est d’une haute importance. La première, la plus impérieuse condition de ce rhythme héroïque, c’est la simplicité. Or, il s’en faut de beaucoup que la Duchesse de La Vallière soit écrite simplement. Lauzun et Grammont parlent une langue vulgaire fort au-dessous de la simplicité. Louis XIV et Bragelone penchent du côté de Lucain, plus souvent encore du côté de Claudien, et prennent constamment l’emphase pour la dignité. Quant à Louise de La Vallière, elle ne parle jamais le langage de la passion, mais bien celui de l’élégie. Écrite en prose, la pièce de M. Bulwer n’aurait eu aucune forme déterminée ; écrite en vers blancs, elle n’a qu’une forme incomplète. Il faut donc lui savoir gré de sa tentative.

La préface placée en tête de l’ouvrage et datée de Paris, révèle chez l’auteur une haute opinion de lui-même. Quoique l’église compte l’orgueil parmi les péchés capitaux, nous consentirions volontiers à le ranger parmi les péchés véniels, lorsqu’il s’agit de juger un poète. Avant de concevoir, d’exécuter, de publier une œuvre poétique, il y a tant d’obstacles à vaincre, tant de répugnances à surmonter, que, sans l’intervention de l’orgueil, pas un livre, pas une pièce de théâtre ne viendrait à maturité. Mais l’orgueil, pour se faire pardonner, a besoin de se justifier par l’élévation, l’éclat ou la solidité de la pensée. Or, la préface de la Duchesse de La Vallière est un des morceaux les plus creux et les plus vides que je connaisse. Tout ce que l’auteur dit de Louis XIV et de sa cour, des personnages historiques jugés par les contemporains et jugés par la postérité, est parfaitement insignifiant. Je suis encore à comprendre comment La Rochefoucault, Dangeau et Mme de Genlis se trouvent réunis dans la même phrase et présentés comme des peintres d’histoire. Il est difficile d’imaginer une confusion plus singulière et plus divertissante. Il manque à cette galerie La Bruyère et Saint-Simon ; mais le goût dédaigneux de M. Bulwer ne descend pas jusqu’à des autorités d’un tel étage. Saint-Simon, j’en conviens, ferait une étrange figure à côté de Mme de Genlis ; je crois pourtant qu’il eût enseigné à M. Bulwer quelque chose de plus animé, de plus vrai, de plus royal que le journal de Dangeau ou les romans de Mme de Genlis. Quant à l’avis