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moins actif s’efforçaient, pendant ce temps, de former l’impossible cabinet et le ministère normal qui sera l’ancre de salut de la monarchie. Il paraît qu’on s’est arrêté, en dernier lieu, à M. de Saint-Aulaire, comme ministre des affaires étrangères, au général Sébastiani, mais au général Tiburce Sébastiani, faute de mieux, comme ministre de la guerre ; M. Martin (du Nord) aurait le ministère de l’intérieur, s’il lui plaisait de l’accepter, ce dont nous doutons, et les amis connus de M. Guizot occuperaient les autres postes. Quant à M. Guizot, il prendrait la présidence et conserverait le ministère de l’instruction publique, sans doute pour fonder l’école secondaire des hautes positions.

Que pense M. Molé de ces manœuvres ? nous l’ignorons.

On a dit que les propositions faites dans ce moment critique, au nom de M. Guizot, à M. de Montalivet et à tant d’autres, délivraient M. Molé des engagemens qu’il avait contractés en acceptant la présidence. En fait de loyauté, de délicatesse et de fidélité aux engagemens, il faut s’en rapporter à M. Molé, qui, en cela, sera meilleur juge de sa cause que personne ; mais il paraît que M. Molé n’avait encore songé à faire usage de cette liberté que pour mettre à l’aise son collègue de l’instruction publique et lui permettre, s’il lui était possible, de fonder un autre cabinet, ou pour lui fournir les moyens de prolonger l’existence de celui-ci. Le remplacement de M. de Gasparin, demandé par M. Guizot et par M. de Gasparin lui-même, eût été alors le seul changement qui se fût opéré dans le ministère ; et M. de Montalivet, invité par M. Guizot et ses amis à en faire partie, eût pris cette place vacante qu’il connaît si bien, et où il a laissé de si bons souvenirs. Mais M. Guizot repousse absolument ces transactions.

Assurément, s’il y avait deux systèmes opposés dans le cabinet, il y aurait eu de la folie à vouloir faire vivre en paix ces deux systèmes ; mais il n’en est rien. M. Thiers et M. Guizot, par exemple, ne pourraient pas durer huit jours ensemble ; car M. Thiers s’est placé au centre gauche, en le renforçant de toutes les idées d’ordre et de conservation qu’il a appliquées depuis six ans, ainsi que beaucoup de membres de ce côté de la chambre, qu’on affecte de traiter néanmoins d’ennemis de l’ordre public, tandis que M. Guizot s’est décidément établi au centre droit, vis-à-vis duquel M. Molé fait, en quelque sorte, l’office de résistance, par la fermeté avec laquelle il s’oppose à toutes les mesures violentes. M. Molé et M. Thiers se trouvent ainsi les modérateurs, l’un du centre droit, l’autre du centre gauche ; sans l’un, le parti doctrinaire irait quelque jour à M. Berryer ; sans l’autre, le tiers-parti irait à M. Odilon Barrot.

Or, nous le répétons, tant que M. Molé fera partie de ce ministère, le cabinet aura un élément de durée devant la chambre, et même devant