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REVUE. — CHRONIQUE.

nir, et M. Odilon Barrot, qu’on reléguait dans le lointain comme le ministre des temps fabuleux. Une fois M. Guizot et les siens seuls maîtres des affaires, on eût facilement prouvé que M. Thiers n’était pas bon à grand’chose, et que M. Odilon Barrot n’était bon à rien. Quant au programme politique lancé dans le monde de la publicité par les doctrinaires, rien n’est plus magnifique et plus beau. C’est l’annonce avec toute sa splendeur et avec toute sa pompe transportée dans les grandes affaires politiques. « La politique de M. Guizot, est-il dit dans un de ces programmes, aurait de plus que la politique de M. Guizot, membre d’un ministère de coalition, de la netteté, de la franchise, de la vigueur, et par conséquent une efficacité beaucoup plus grande. » En d’autres termes, M. Guizot, qui demandait, après le rejet de la loi de disjonction, la destitution de tous les députés fonctionnaires qui n’avaient pas voté cette loi, et qui voulait faire payer ainsi le résultat du scrutin secret à MM. Dupin, Legrand (de l’Oise), Vivien, Félix Réal, et à tant d’autres, ne trouverait plus M. Molé sur son chemin, qui s’opposa avec fermeté à de pareilles mesures, en déclarant qu’il se retirerait si elles étaient adoptées. M. Guizot, qui voulait déférer le Courrier français à la cour des pairs, une fois débarrassé de M. Molé, qui s’est opposé presque seul, mais efficacement, dans le conseil, à ce projet ; M. Guizot agirait avec toute la vigueur et toute la franchise dont il est susceptible, et traduirait la presse en masse devant cette haute juridiction, qui lui en saurait beaucoup de gré sans doute.

Mais M. Guizot se réserve, selon le programme que nous citons, quelques moyens de popularité. Son premier soin serait « de pourvoir à la formation d’un grand nombre de hautes positions secondaires pour fonder un corps politique, et comme une pépinière de candidats futurs du pouvoir. » C’est-à-dire que M. Guizot s’occuperait, dès qu’il serait chef du cabinet, à fonder un séminaire politique, une école secondaire de la doctrine, où les élèves qui y seraient admis auraient une haute position, et seraient, en quelque sorte, des agrégés-ministres. Quel stimulant pour ceux qui hésiteraient encore à entrer dans les rangs des doctrinaires, où l’on apprendra désormais les affaires dans de hautes positions ? Ceci ne ressemble-t-il pas au langage des raccoleurs qui promettaient les épaulettes de colonel à toutes les recrues dès qu’elles commenceraient à savoir l’exercice ? ou, pour prendre un exemple plus digne d’être appliqué à un grave historien, ne dirait-on pas Guillaume-le-Bâtard distribuant d’avance les terres de la conquête ? Il ne s’agit plus que de jeter l’ours à terre et de le dépecer ! Les amis de M. Guizot nomment, dans leur langage, ce partage amiable l’avènement des intelligences.

Ces plans ne se bornent pas à des théories de journal, et des amis non