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REVUE. — CHRONIQUE.

En pareil cas, il était peut-être d’une bonne politique de ne pas méconnaître cette direction de la chambre, de se contenter de la prépondérance qu’on avait acquise par l’occupation de trois ministères dans le cabinet, et de ne pas choisir le moment actuel pour vouloir s’étendre et s’établir plus fermement. C’est cependant ce qui a été tenté, dit-on, par M. Guizot. Assurément, M. Guizot a autant que personne, plus que personne peut-être, le droit de vouloir à son tour se placer à la tête d’un cabinet, et lui imprimer une direction qui lui convienne. Son incontestable talent, la rigueur même de son caractère, ses longues et fréquentes haltes au pouvoir, lui donnent toute l’importance et la gravité qu’il faut pour justifier cette ambition ; mais M. Guizot essayait seulement d’augmenter sa part dans le pouvoir sans augmenter sa part dans la responsabilité. Il fallait vouloir plus ou se contenter de moins. Demander le portefeuille de l’intérieur sans la présidence du conseil, ce n’était faire qu’un pas timide, quoique très hasardé. On étonne et on réussit souvent par un coup d’audace ; mais il ne faut pas l’exécuter à demi, et si M. Guizot croyait le moment venu, il devait se frayer une plus large route. Quand on n’est gouverné que par la pensée d’appliquer des vues politiques, et non par une ambition personnelle, on a bien le droit de marcher ferme à son but.

Il est vrai de dire que tout récemment les plans de M. Guizot se sont agrandis. Il y a peu de jours, M. Guizot, voulant satisfaire les vœux de ses amis politiques, avait manifesté la volonté de quitter le ministère de l’instruction publique qu’il comptait laisser à M. de Rémusat, et de passer au ministère de l’intérieur pour y remplacer M. de Gasparin. Il fut objecté à M. Guizot que M. de Gasparin avait été appelé au ministère de l’intérieur par M. Guizot lui-même, et un refus de consentement fut opposé à ce projet par le président du conseil. On ajoute que les amis de M. Guizot répondirent à ce refus, en offrant, de leur propre mouvement sans doute, le ministère des affaires étrangères au général Sébastiani, le ministère de la guerre au maréchal Soult, et le ministère du commerce, augmenté d’un grand nombre d’attributions, à M. de Montalivet, qui, tous, ne virent rien de sérieux dans ces propositions, et refusèrent de les écouter sous cette forme. On se réduisit alors, dit-on, à inviter M. de Montalivet à entrer seul dans le ministère, en acceptant le portefeuille des travaux publics ; mais on assure que l’ancien ministre de l’intérieur déclara qu’il était prêt à reprendre les fonctions qu’il avait exercées, et non pas d’autres, et exigea, en outre, que M. Guizot consentît à ne pas quitter le ministère de l’instruction publique, afin que le ministère actuel rentrât dans les conditions qui avaient été proposées lors de sa formation, quand M. Molé demandait que l’intérieur fût confié à M. de Montalivet. Les choses en restèrent là ; on ne proposa plus rien ni