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REVUE. — CHRONIQUE.

civil, tandis que celui-ci pourrait expliquer, à son tour, les principes de la justice militaire et l’organisation magistrale des conseils de guerre ? Quant à M. le vice-amiral Rosamel, qui est, grace à Dieu, à son véritable poste, n’est-il pas une des gloires du pavillon français ? sa réputation n’est-elle pas populaire sur nos flottes, établie dans toutes les mers, à ce point que, depuis vingt ans, les matelots anglais ôtent leur bonnet quand ils entendent prononcer son nom, et sa courte administration n’a-t-elle pas été l’objet des suffrages publics dans tous nos ports ? Et M. le comte Molé, dont la parole est toujours d’une convenance et d’une modération si parfaites, qui sait mieux que lui les rapports des états entre eux ? Quelle expérience de ministre des affaires étrangères peut être préférée à la sienne, si ce n’est celle de M. de Talleyrand, qui en a trop pour vouloir d’un ministère ? Qui figure mieux à la tête de notre corps diplomatique que le premier soutien du système de non-intervention en 1830, puisque le vieux fondateur de la quadruple alliance s’est mis depuis longtemps hors des rangs ? Voilà pourtant un ministère composé de capacités, d’hommes faits pour se respecter entre eux ! D’où vient donc ce que nous voyons et le spectacle que nous donnent ces sagesses qui s’animent les unes contre les autres, et quelques-unes de ces gravités qui s’agitent avec tant de fougue ?

On est tenté de se demander si derrière toutes ces questions de personnes ne s’élèvent pas de véritables dissentimens de principes ; car le pays ne serait pas si dépourvu de sens que de s’occuper de ces débats, s’ils étaient aussi vides ; et le gouvernement n’est pas si puéril que le représentent les écrivains de toutes nuances, qui prennent en pitié le régime représentatif, parce qu’il fonctionne trop lentement au gré de leurs passions, soit qu’ils aient la passion du pouvoir illimité ou celle de la désobéissance absolue. Des hommes d’une valeur si reconnue, se dit-on, des hommes qui, dans le monde, se passent avec toute sorte d’urbanité leurs mutuelles insuffisances, ne deviendraient pas tout à coup incompatibles et exigeans, de ce seul fait qu’ils se trouveraient réunis, comme ministres, dans un cabinet. On est donc porté à croire qu’il y a quelque chose d’inconnu là-dessous, et que cela n’arrive pas par des causes futiles, mais parce que, comme dit M. Berryer.

Assurément, deux systèmes politiques bien tranchés ne sont pas ici en présence. Ce sont deux nuances qui se combattent, deux nuances qui pouvaient faire la force du cabinet, mais qui semblent devenues aussi inconciliables que si elles étaient des opinions ennemies.

La nuance que représente M. Guizot est soutenue au ministère des finances par M. Duchâtel, et au ministère de l’intérieur par M. de Gasparin, que M. Guizot y a établi de sa main, et auprès duquel il avait placé