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postérité distinguera sans doute, comme l’ont fait leurs contemporains, Lacépède, dont les ouvrages sur les cétacés, sur les reptiles et les poissons, trop loués pendant sa vie, ont été trop sévèrement jugés après sa mort ; Éverard Home auquel on doit un si grand nombre de recherches importantes d’anatomie comparée ; Meckel, supérieur encore à Home comme zootomiste, et de plus, l’un des fondateurs de la tératologie ; Rudolphi, auteur aussi de plusieurs travaux remarquables sur l’anatomie comparée, mais surtout auteur d’un ouvrage sur les entozoaires qui restera à jamais dans la science ; Huber, de Genève, qui, aveugle dès son enfance, a su se conquérir une place au rang des observateurs les plus sagaces ; Latreille, que la voix unanime de ses contemporains a nommé le prince des entomologistes ; enfin, ces deux noms qui, bien qu’inégalement célèbres, méritent d’être associés l’un à l’autre, Lamarck et Cuvier.

La longue et honorable vie de Lamarck se divise en deux époques. Botaniste éminent dans le dernier tiers du xviiie siècle, Lamarck est, malgré lui, appelé, en 1793, à l’enseignement de la zoologie, jusque-là étrangère à ses travaux. Ainsi le voulait un décret de la Convention, qui changeait en même temps la destinée de M. Geoffroy Saint-Hilaire, alors minéralogiste ; tant la zoologie était encore à cette époque peu cultivée en France. Lamarck obéit au décret de la Convention, ainsi qu’il convenait à un homme tel que lui. De botaniste distingué, il se créa zoologiste illustre. Il avait fait la Flore française, il fit le Système des animaux sans vertèbres et la Philosophie zoologique ; deux ouvrages dont l’un, œuvre linnéenne, présente pour la première fois, méthodiquement classés dans leur ensemble, tous les groupes inférieurs du règne animal, et dont l’autre, livre jusque-là sans modèle, aborde et traite d’une manière scientifique la grande question de la variabilité des espèces, et plusieurs autres de ces immenses problèmes que l’on eût pu croire accessibles tout au plus aux spéculations sans base, aux rêveries de la métaphysique. La destinée de ces deux ouvrages, si différens dans leur plan, si inégaux dans leur portée, devait être et fut bien diverse. Le premier, immédiatement intelligible à tous, fut immédiatement admiré de tous. Oserons-nous dire que le second, non-seulement resta d’abord incompris et fut vivement critiqué, malheur inévitable