Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LETTRES
SUR L’AMÉRIQUE.[1]


I.

LE TRAVAIL.


Lancaster (Pensylvanie), 20 juillet 1835.

Il n’y a de succès, il n’y a de bonheur que par la spécialité. Homme ou peuple, si vous voulez réussir, gardez-vous de prétendre à tout savoir et de tout entreprendre. La nature humaine est finie ; limitez-vous comme elle dans vos désirs et dans vos efforts. Sachez vous contenter et vous contenir : c’est la loi de la sagesse.

Si ces préceptes sont justes, les Américains sont des gens au moins à demi sages, car ils les pratiquent au moins à demi. En général, l’Américain sait peu se contenter : sa notion de l’égalité, c’est de n’être l’inférieur de personne ; mais il n’aspire à monter que suivant une ligne. Son moyen unique, comme son unique pensée, c’est la domination du monde matériel, c’est l’industrie dans

  1. L’Amérique, qui a déjà fourni à M. de Tocqueville la matière d’un livre de haute politique couronné d’un légitime succès, va être envisagée sous un jour nouveau, et plus particulièrement sous le point de vue pratique de ses théories, dans un ouvrage qui paraîtra prochainement à la librairie de Charles Gosselin. Les idées neuves et les rapprochemens instructifs abondent dans le livre de M. Michel Chevalier. C’est à ce livre qu’appartiennent les deux lettres suivantes, qui ne font que précéder un travail important écrit spécialement pour la Revue par l’auteur des Lettres sur l’Amérique.

    (N. du D.)