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LA NAVARRE ET LES PROVINCES BASQUES.

des hommes, moins d’obstacles à l’établissement reconnu d’une confédération biscayenne qu’au maintien d’une confédération suisse. Voyons maintenant si les intérêts bien entendus de ces provinces, et ceux des voisins que séparerait leur neutralité, ne sont pas d’accord pour leur donner cette existence indépendante.

Quant aux provinces elles-mêmes, la question ne peut être douteuse. Elles ne se sont jamais considérées comme faisant partie de l’Espagne ; elles ont toujours conservé leur nationalité, elles combattent depuis trois ans pour ne point la perdre, et pour garder les avantages qui s’y trouvent attachés. Ce serait donc ôter tout prétexte à leur levée en armes, et les pacifier à coup sûr pour le présent et pour l’avenir, que de leur rendre dans sa plénitude l’antique indépendance qu’elles avaient en partie aliénée à la couronne de Castille, et qu’elles n’auront plus la crainte de perdre, lorsque cette indépendance sera solennellement reconnue par l’Espagne et garantie par la France. Si, une fois constituées, selon leur désir, en état neutre, les provinces pouvaient hésiter à déserter la cause de don Carlos, elles donneraient des armes contre elles-mêmes, et s’exposeraient à une inévitable agression. « : Vous ne faites plus partie de l’Espagne, leur dirait-on ; si vous soutenez le prétendant, vous vous immiscez dans les affaires d’un pays qui vous est étranger : vous intervenez. Dès-lors se présente clairement le casus foederis prévu par le traité de la quadruple alliance. La France, l’Angleterre et le Portugal sont tenus d’intervenir à leur tour et de vous mettre à la raison. » Les provinces, satisfaites, ne s’exposeront pas de gaieté de cœur à un tel danger.

L’Espagne, la seule des parties contractantes qui semblât perdre à cet arrangement, y trouverait en réalité son bénéfice. Ces provinces ne lui rapportent rien, ni en hommes, puisque la conscription ne les atteint pas, ni en argent, puisqu’elles sont à peu près exemptes d’impôts. Les frontières de douanes et les prohibitions commerciales de toutes natures qui divisent les deux pays subsisteraient comme elles sont en ce moment. Les provinces continueraient à régler elles-mêmes leurs finances, à choisir leurs magistrats, à entretenir leurs milices. Rien ne changerait, sinon que le roi d’Espagne effacerait de ses innombrables titres la modeste appellation de seigneur de Biscaye, et qu’il n’enverrait plus de légistes privilégiés s’enrichir dans les sinécures de corrégidors.