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pathétique. Un beau jour que, dans le pavillon de son jardin, la comtesse démontrait plus éloquemment que jamais à d’Olbreuse l’existence de Dieu, ne voilà-t-il pas que M. de Villermont s’avise de prouver la sienne en reparaissant tout d’un coup. Fatale péripétie ! Le mari revenant y met toutefois de la générosité. Caché derrière la porte, il a tout entendu. Profondément touché lui-même de la chaleureuse prédication de la comtesse, il repartira, la laissant libre ; il continuera de passer pour mort, si elle le juge convenable. Mais Mme de Villermont n’est pas femme à profiter d’une pareille latitude. Elle signifie à d’Olbreuse un congé formel, ne lui demandant comme dernière preuve d’amour que de se convertir. L’amant, au désespoir, balance long-temps. Il n’avait voulu croire en Dieu qu’à la condition d’épouser sa maîtresse. Pourtant la bonne inspiration l’emporte. Il tombe au pied du prêtre qui lui a transmis le sermon d’adieu de la comtesse. L’athée est vaincu ; il se confesse.

Nous avions omis, faute de le pouvoir, jusqu’ici, convenablement présenter, un personnage fort original, qui ne joue, d’ailleurs, qu’un rôle secondaire. Mlle Elisa, peintre de son état, a de singulières fantaisies d’artiste. Elle n’attend pas les séducteurs ; elle va au-devant d’eux ; elle les provoque. D’Olbreuse a séduit Mlle Elisa, parce que Mlle Elisa le voulait absolument. Abandonnée, bien entendu, après sa chute, Mlle Elisa se donne néanmoins des airs de victime. Son exaltation n’a plus de bornes. La vie lui pèse. Elle a résolu de s’asphyxier. Tout est, à cet effet, préparé dans son atelier. Bosses, toiles, esquisses, ont été mises en pièces et jonchent le parquet. Le réchaud brille allumé. Mais Mlle Elisa a tourné fortuitement les yeux vers son miroir. — « Oh ! l’admirable tableau que cela ferait ! Une jeune femme pâle, échevelée, mourante, au milieu de ce beau désordre ! » — Cette pensée d’artiste sera le salut de Mlle Elisa. Elle court rouvrir sa croisée. Elle vivra pour exécuter le tableau et pour être convertie elle-même par son heureuse rivale, l’ange qui doit convertir d’Olbreuse.

Il résulte bien de notre analyse que, pour Mme Sophie Pannier, le roman n’a été que le prétexte du sermon. Nous ne lui reprocherons pas ce pieux subterfuge. Il y a si peu de fidèles dans nos églises autour de la chaire ! Pourquoi n’essaierait-on pas de prêcher dans le roman ? Ce serait peut-être une bonne œuvre et une bonne idée. Qui sait ? Si le romancier y mettait de la discrétion et de la finesse, il pourrait rassembler de nombreux auditoires ; tout en les amusant, il leur insinuerait la parole divine. Le tort de Mme Sophie Pannier, ce n’est pas d’avoir écrit un sermon, c’est d’avoir écrit un sermon ennuyeux et maladroit ; c’est surtout d’y avoir mêlé la politique. Il n’y a point d’apôtre qui ne doive viser d’abord à se concilier la foule. Voulez-vous, par le temps qui court, faire