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conomie domestique qui régnaient chez le roi. Mais quoique ses principaux favoris appartinssent à la classe ambiguë des roués, le prince ne laissait pas d’associer à son intimité des hommes de plus haut rang et de meilleur ton. Charles Grey, malgré la froideur et la sévérité de ses manières, était l’un de ces personnages distingués qui jouissaient de la faveur personnelle du prince. Vers 1787, le bruit commença de se répandre que ce dernier avait épousé la célèbre mistriss Fitz-Herbert[1]. Cette dame était d’une excellente famille ; ses vertus ne la recommandaient pas moins que sa beauté. À ces titres, la nation eût volontiers pardonné une dérogation aux lois rigoureuses de l’étiquette royale ; mais elle était catholique. Tous les préjugés anglais se soulevèrent contre elle. On se persuada que mistriss Fitz-Herbert, par son influence sur l’esprit de l’héritier du trône, mettrait en danger les libertés publiques et la religion nationale. Cette même année, le prince de Galles fut contraint de demander au parlement les sommes nécessaires pour faire face aux dettes dont il était obéré. On était généralement bien disposé en sa faveur ; on pensait qu’il n’avait pas été traité généreusement par le roi. Charles Grey, entre autres, appuya fortement ses prétentions. Mais les adhérens du ministère profitèrent de l’occasion pour demander aux amis du prince s’il avait effectivement épousé mistriss Fitz-Herbert. À la surprise générale des assistans, Fox, se disant chargé de transmettre cette déclaration, nia formellement l’existence du mariage, et traita de calomniateurs tous ceux qui avaient répandu ce bruit. L’étonnement augmenta, lorsque, au lieu de suivre dans ce débat la ligne du chef de l’opposition, Sheridan vint prononcer un long panégyrique étudié de mistriss Fitz-Herbert, conçu en des termes si ambigus, qu’il rendit à la plupart de ceux qui l’entendirent la conviction qu’avait presque détruite le discours de Fox. Que mistriss Fitz-Herbert eût été réellement unie avec le prince, au moins par la cérémonie religieuse, c’est ce qu’il n’est plus permis aujourd’hui de révoquer en doute. Au moyen de quelles subtilités Fox se justifia-t-il à ses propres yeux ? Il est difficile de le deviner. Lorsque mistriss Fitz-Herbert apprit ce qui s’était passé, son indignation n’eut pas de bornes. Le prince,

  1. Cette dame vit encore. Elle est aujourd’hui fort âgée. Le prince était plus jeune qu’elle. On sait que la jeunesse n’était point une condition chez les femmes pour lui plaire.