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depuis bien des générations, a toujours reçu l’éducation qui pouvait le mieux la mettre à même de remplir les premiers emplois de l’état, soit qu’elle dût être poussée dans la carrière politique par l’ambition, ou seulement par le hasard. De là, cette habitude d’étudier les questions publiques qui les rend familières aux membres de l’aristocratie, et leur permet de s’y mêler sans compromettre leur position. Leurs opinions politiques sont héréditaires comme leurs armoiries. Dire le parti auquel appartient une famille, c’est désigner en même temps la couleur politique de tous ceux qui la composent. D’ailleurs, c’est une question fréquemment débattue en Angleterre, que celle de savoir laquelle des deux grandes factions whig ou tory comprend le plus grand nombre d’adhérens parmi les anciennes et illustres maisons de la pairie.

Lord Grey, dont nous avons entrepris de donner le portrait, est en beaucoup de points l’un des types de cette classe à laquelle il appartient et par sa naissance et par son caractère. Introduit de bonne heure, par ses relations de famille, dans la vie publique, le hasard et les circonstances l’ont élevé à des postes auxquels ses talens personnels ne l’eussent jamais fait parvenir. Sa destinée a voulu que son nom se rattachât à toutes les importantes révolutions des dernières années, et qu’il pût occuper, non sans dignité, la place de premier ministre au milieu des crises les plus sérieuses qu’ait subies de nos jours la fortune de l’Angleterre. Sa haute réputation d’honneur et d’intégrité, je ne sais quel air de vertu superbe et austère, ses façons imposantes d’orateur, une inaltérable fidélité à son parti à travers toutes les vicissitudes, lui ont tenu lieu de génie, et ont rangé à diverses reprises sous son autorité des hommes qu’il était loin d’égaler en talent.

La famille de lord Grey est d’origine normande. Il y a plusieurs siècles qu’elle s’est établie dans le comté de Northumberland. Une branche aînée de cette maison a possédé le comté de Tancarville en Normandie ; le titre en est descendu par les femmes à la famille anglaise des Bennett. Les Grey du Northumberland ne doivent point être confondus avec cette autre noble maison de Grey, qui s’est alliée fréquemment à nos rois, et a fourni tant de sujets aux annales poétiques du pays. On sait que la malheureuse épouse d’Édouard IV, et la plus malheureuse encore et plus célèbre Jane Grey, cette fleur du protestantisme, qui périt victime du zèle in-