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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Dieu et l’homme travaillant ensemble, cela est sublime. — Le mal paraît endormi ou vaincu.

Ces jours sont assez rares ; ils pénètrent de leur harmonie et de leur douceur ; tous, jusqu’aux animaux, sont paisibles et soumis, et je n’entends ni imprécations ni juremens.

J’arrête souvent mon cheval au milieu des chemins ruraux que je traverse de préférence, et je demeure attendri jusqu’au fond du cœur des tableaux qui s’offrent à moi : Voici les charrues actives qui passent sous les pommiers jaunis ; le sac de bon grain est debout au milieu du champ, que parcourt en tous sens la herse traînée par de bons jeunes et vieux chevaux, qu’on a soin d’atteler ensemble, image de la vigueur et de l’expérience unies. La terre destinée à la semence a un aspect d’ordre qui reste une véritable beauté.

Demain ces blés seront faits, bien faits ; comme on dit. Le laboureur prendra quelque repos. Jusque-là, il ne se donnera point de trêve : ce sera l’occupation et l’entretien de tous ses momens.

Peu de jours sont passés et déjà ces blés, comme les gazons d’un parc anglais, s’étendent au loin avec des nuances et des ombres variées jusqu’aux bords des chemins et le long des haies des fermes. Il y en a des plaines immenses qui sont la part des riches, et de petits coins qui sont le trésor du pauvre, et qu’il entoure, et veille avec un soin plein d’affection. Tout auprès on sent le parfum des pommes qu’on récolte dans les enclos, et qui tombent sur l’herbe verte encore, parmi les larges feuilles sèches qui s’échappent des arbres secoués, comme des pluies d’or.

Ô semences, du Seigneur ! levez et mûrissez ; et quand vos grains recueillis seront devenus le pain des familles, ce pain que nous autres, insensés des villes, mangeons avec tant d’indifférence et d’oubli, le pauvre, toujours chrétien, lui, n’entamera pas sa nourriture unique, la vie de ses enfans, sans faire, avec la pointe de son couteau, cette croix dont il salue le jour et la nuit, et tous les actes de son existence laborieuse ; il remerciera Dieu du bienfait accordé à ses peines ; il lui demandera de bénir encore les travaux auxquels il s’apprête, et pour lesquels il se fortifie.

Alimens de l’homme, vous êtes d’abord la parure et la beauté de sa demeure !

Vous renfermez de grands mystères ! Ils devraient souvent y