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annoncer les terreurs d’une superstition grossière ou les hardiesses d’un philosophisme précoce, plutôt que cette foi, cette espérance, cette charité, triangle mystérieux sur lequel le vrai chrétien doit offrir son ame en holocauste à Dieu. « Il semble, dit l’auteur d’une notice allemande sur la Danse des morts de Bâle, que les disciples d’une révélation qui ôte à la mort son aiguillon et au sépulcre sa victoire, pouvaient réaliser, sous des attributs nobles et touchans, cette grande dispensation du dieu des vivans, qui, terminant d’un coup l’épreuve importante et décisive de sa créature, la fait passer subitement du lieu de son exil aux splendeurs de l’éternité. Un ange d’une figure sérieuse et pleine de compassion tenant d’une main un flambeau éteint, et de l’autre un flambeau qu’il rallume dans le ciel, figurerait la mort avec plus de vérité pour un chrétien que ces affreux simulacres, qui, d’ailleurs, représentent un cadavre et non la mort ! »

§ iv.
LES BERNOUILLI. — LA BATAILLE DE SAINT-JACQUES.

En sortant de la bibliothèque, nous passâmes devant l’hôtel-de-ville, peint à fresque comme tous ceux de la Suisse, et dont les décorations, sans être d’un goût fort pur, ne manquent pas de caractère. Je remarquai, au haut du grand escalier, un tableau représentant une scène du jugement dernier. Les damnés sont presque tous des moines, des nonnes ou des chevaliers. Sur le devant, on aperçoit le démon de la luxure, reconnaissable à sa tête de coq, à son corps de femme et à ses pieds de crapaud, qui entraîne un prêtre dans la gehenne.

On nous montra dans la cour la statue en bronze de Munatius Plancus, que Bâle honore comme son fondateur. Ce Romain, dont on voit encore le tombeau entre Rome et Tivoli, n’établit point pourtant de colonie au lieu où se trouve la ville actuelle ; mais il bâtit, à peu de distance, la ville d’Augusta Rauracorum (aujourd’hui Basel Augst), et cette fondation devint plus tard l’origine de Bâle.

Nous retournions à l’auberge lorsque le nom de Bernouilli, inscrit sur une boutique d’apothicaire, arrêta nos regards. Nous nous rappelâmes alors que nous étions en effet dans la patrie de ces hommes fameux qui, pendant plus d’un siècle, se transmirent la gloire par droit d’héritage, et qui partagèrent l’honneur de toutes les découvertes qu’ils ne firent pas eux-mêmes.

On ne compte pas moins de sept Bernouilli illustrés par leurs travaux scientifiques ; mais trois surtout, Jacques Bernouilli, Jean Bernouilli, son