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LE MAROC.

bien loin de les éteindre. Au premier signal, l’Arabe est sous les armes ; son œil s’allume au cri du combat, comme l’oreille de son coursier se dresse à la voix du clairon. Il faut que cette existence patriarcale ait un bien grand charme, et qu’elle réponde à un besoin bien profond de la nature humaine, pour que ces peuplades valeureuses y aient persisté si long-temps et avec tant d’amour. Reines du pays par la conquête, elles y vivent en étrangères, et comme devant le quitter le lendemain. Il leur suffit d’avoir imposé aux vaincus leur culte et leur loi, elles lui laissent ses trésors et ses villes ; tout ce qu’il leur faut, à elles, c’est un angle de terre pour dresser leurs tentes, et le ciel pour contempler les étoiles et pour adorer Dieu.

Voilà les quatre races qui se partagent aujourd’hui l’empire du Maroc. Pour peu que l’œil soit exercé, il est aisé de les distinguer l’une de l’autre dans les rassemblemens publics, surtout dans les marchés. Celui de Tétouan me frappa sous ce point de vue, et je regrettais de n’être pas peintre, afin de fixer les études que j’eus occasion de faire sur ces étranges physionomies. Les différences organiques n’étaient pas moins saillantes que la diversité des costumes. Le visage mâle et fier du Berbère tranchait encore plus fortement à côté de la figure efféminée et soupçonneuse des Maures, que sa courte tunique à côté de leurs haïks ondoyans, et le cavalier bédouin qui faisait caracoler son cheval au milieu des chameaux, représentait fidèlement, chez le peuple vaincu, l’énergie et l’audace de ses ancêtres les conquérans. Les femmes étaient là en plus grand nombre qu’au sauk de Tanger ; mais, hermétiquement enveloppées dans leurs larges robes, elles ne laissaient voir que les mains et les yeux, qu’elles ont presque toutes fort beaux. Leur taille disparaît dans les vastes plis de leur vêtement, et toutes les formes sont perdues pour l’œil. Ces lourdes masses sont sans grace et sans attrait.


L’usage est que les voyageurs qui séjournent dans une ville maure, ou qui ne font même que la traverser, fassent un cadeau au kaïd, ou au bacha. J’étais depuis plusieurs jours à Tétouan, et Achache n’avait rien encore reçu de moi, quoique j’eusse déjeuné chez lui. Il paraît qu’il s’impatienta d’attendre ; et, pour me rappeler l’usage, il prit l’initiative. Un jour il m’envoya par son nègre