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LE MAROC.

et quand j’essayai de leur faire comprendre, par mon interprète, qu’on fabrique en Europe des fusils sans batterie, ils crurent que je voulais ajouter un chapitre aux merveilleux récits de Simbad le marin. Au reste, ce ne sont pas les miracles industriels de la Grande-Bretagne et des États-Unis qu’on va chercher en Afrique : on sait bien qu’en passant le détroit de Gibraltar on remonte presque au berceau du monde ; trop heureux quand le paysage dédommage de la barbarie. Tétouan brille surtout par le côté pittoresque ; comme à Grenade et dans les villes suisses, on a, du milieu des rues, de belles vues de montagnes ; ces perspectives inattendues sont d’un effet magique, et l’œil, fatigué de tant de misères, se repose avec bonheur sur ces magnifiques horizons.

Les maisons maures ressemblent aux maisons juives : elles sont bâties sur le même modèle ; mais il est très difficile d’y pénétrer. Quoique les juifs soient particulièrement en proie à l’avarice des gouverneurs, ils ne sont pas seuls exploités, et les Maures ne sont pas à l’abri des concussions. Aussi ont-ils soin, pour cacher leurs richesses, d’affecter tous les dehors de la pauvreté. Nous avons vu que leur costume est des plus simples ; leurs habitations ne le sont guère moins. Les maisons des plus riches sont, comme celles des pauvres, sans apparence extérieure ; la plupart n’ont qu’un seul étage, sans autre jour sur les rues et sur les places que de longues et étroites fissures défendues par de grossières jalousies de bois.

Quoique les intérieurs maures soient d’un accès difficile, surtout pour les chrétiens, Isaac Benchimol, mon interprète, m’aplanit les difficultés ; il me fit connaître au bazar un riche négociant, nommé Arzeny, qui passe pour moins inhospitalier que ses compatriotes. Retenu par ses affaires, il ne put lui-même nous conduire dans sa maison ; mais il nous donna son frère pour nous y accompagner, quoique la commission parût peu du goût de celui-ci. Du vestibule, il nous devança dans la maison et nous fit faire antichambre assez long-temps ; il était allé sans doute prévenir les femmes et les céler. Enfin nous fûmes introduits. Je remarquai que notre hôte marchait devant, et nous précédait partout au lieu de nous suivre, comme c’est l’usage en Europe. Mais, sur ce point, les mœurs africaines sont en contradiction avec les nôtres, et les Maures regardent notre coutume comme le comble de la grossièreté. Les appartemens d’Arzeny me rap-