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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

mes, guerre à coups de bâton (a palos) qui fit successivement échouer la réputation de Saarsfield et de Quesada, de Valdez et de Rodil, de Mina et de Cordova. Mais y a-t-il dans tout cela quelque chose qui constate la vitalité de la cause au nom de laquelle s’opérèrent ces prodiges ? Nous ne le croyons pas, et l’attitude réservée de don Carlos semble attester qu’il partage sur ce point nos convictions.

Ne nous bornons pas à dire, pour les défendre, que les quatre provinces basques combattent pour leurs fueros menacés par le régime administratif et l’unité constitutionnelle ; assertion qui, toute fondée qu’elle soit dans un certain sens, pourrait être contestée dans un autre, car il est certain qu’on ne trouverait guère d’allusion aux fueros des provinces dans les proclamations navarraises, et que, dès son début, cette insurrection respirait un esprit de fidélité monarchique dans un sens tout vendéen. Mais tel était le drapeau sans que tel fût le mobile ; et si les Basques résistèrent comme royalistes, ce fut évidemment dans leurs institutions spéciales qu’ils puisèrent des forces pour rendre leur résistance efficace. Sa puissance fut tout entière dans les habitudes martiales et libres de ces populations de guérillas, dans leur organisation élective qui se trouva toute prête pour diriger le mouvement, dans l’absence de toute force armée pour s’opposer à la première tentative des volontaires royalistes[1] ; elle résulta surtout de l’exemption des charges publiques et du recrutement militaire qui avaient laissé sur le sol de ces provinces et leur jeunesse et leurs capitaux. L’insurrection n’a pas eu à renverser dans le nord le gouvernement espagnol : celui-ci n’était guère représenté dans ces provinces que par les agens du service des postes ; elle a trouvé sous la main des juntes, des députations, des administrations civiles et financières formées depuis des siècles, et qui sont

    avec quelque soin les affaires de la Péninsule. L’ouvrage du capitaine Henningsen est jeune d’esprit et court de vues politiques ; mais les impressions en sont vraies, l’histoire y est sincère, et le drame s’y déroule, dans sa grandeur confuse, sans prétention et sans recherche. Je doute que l’auteur soit capable d’écrire le moindre article de journal ; mais à coup sûr la plupart des journalistes se tourmenteraient en vain pour atteindre à cette naïveté pittoresque.

    L’Essai sur les provinces basques est une œuvre de haute portée. Cet ouvrage, avec les fragmens publiés à diverses reprises dans la Revue de la Gironde, offre, sans contredit, ce qui s’est écrit de plus substantiel sur la question espagnole, que la presse périodique de Madrid est plus propre à embrouiller qu’à éclaircir.

  1. Au commencement d’octobre 1833, lorsque les bataillons de volontaires proclamèrent l’infant don Carlos à Vittoria et à Bilbao, il n’y avait pas, d’après les documens publiés par le gouvernement espagnol, un soldat dans ces places. De l’Èbre aux Pyrénées, on comptait deux régimens seulement, l’un à Saint-Sébastien, l’autre à Pampelune. Il y en avait quatre ou cinq dans les places de guerre de la Catalogne, et un seulement dans la Vieille-Castille.