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rain comme de leur seule source légitime. Et, de fait, on doit penser que si le nom de don Carlos n’avait pas été plus significatif que celui d’une infante au berceau, l’Espagne ne se fût guère émue de cette prétention nouvelle qui n’eût touché qu’un simple intérêt privé.

Si l’on devait attendre quelque sincérité des partis, ils confesseraient sans nul doute, que dans la querelle entre don Carlos et Isabelle II, pas plus que dans la lutte dynastique du Portugal, la question de légitimité, fort obscure en elle-même, ne se présenta jamais à eux avec l’hypocrite importance que l’un et l’autre affectèrent de lui donner. Ce problème était d’une solution trop délicate pour mettre les armes à la main. Tout en reconnaissant, en effet, d’un côté, que le droit des femmes avait été pendant des siècles le plus national en Espagne, comment nier, de l’autre, qu’un acte solennel n’eût, depuis plus de cent années, consacré un droit opposé, garanti par les plus hautes transactions diplomatiques ? Mais aussi, selon la doctrine pour laquelle les absolutistes avaient si long-temps combattu, qui pouvait contester à Ferdinand VII, assisté des muettes cortès de 1833, le droit que l’on avait reconnu à Philippe V, assisté de celles de 1713 ; comment lui dénier la faculté de promulguer souverainement une décision déjà rendue en principe sous le règne de Charles IV ? Questions ardues, qui auraient arrêté long-temps des publicistes, mais que les partis tranchèrent avec cet instinct prompt et sûr qui leur fait si bien deviner ce que valent les noms propres, et où vont les secrètes tendances des hommes et des choses.

Don Carlos, poussé par sa conscience, plus que par sa nature, à se dévouer pour ses convictions avec persévérance, sinon avec éclat, était depuis long-temps chef de parti, et ne pouvait se dérober à aucune des obligations qu’un pareil rôle impose. Quoique resté de sa personne étranger aux tentatives faites en son nom, durant le règne du roi son frère, il n’était pas moins l’espoir suprême de l’opinion nombreuse dont le symbole pouvait se formuler ainsi : conserver intégralement le passé, ne toucher à aucun abus de peur d’ébranler l’édifice, et ne donner en quoi que ce soit gain de cause à l’esprit novateur.

Ce parti ne s’arrêta point à la discussion théorique des droits plus ou moins fondés du prétendant ; en octobre 1833, à la mort de Ferdinand VII, il se groupa spontanément autour de son chef ; et dans ce jour décisif qui pouvait lui assurer la couronne, don Carlos manqua à ses partisans beaucoup plus que ceux-ci ne lui manquèrent. Cette opinion, à laquelle adhérait la majorité des populations rurales, disposait alors de trois cent mille volontaires royalistes, dont la moitié avait des armes ; la plus grande partie du corps diplomatique lui prêtait sa force morale. Sur quels élémens s’appuya d’abord la reine-gouvernante pour lui résister ; qu’op-