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REVUE DES DEUX MONDES.

M. Mignet. Mais lors même que M. Mignet serait préféré par l’Académie française, il resterait encore à M. Hugo l’Académie des Inscriptions ; car M. Raynouard avait deux fauteuils à l’Institut. Il est vrai que M. Hugo n’a pas fait de travaux comparables à ceux de M. Raynouard sur la langue romane. Mais M. Hugo s’est toujours donné pour un homme d’une érudition profonde et encyclopédique. Ses découvertes en histoire littéraire ne sont pas moins surprenantes que ses découvertes en histoire politique. Avant d’apercevoir les aventures amoureuses de Charles-Quint et le libertinage effronté de Marie Tudor, il s’était démontré que la Grèce antique n’a jamais connu le grotesque, et il avait supprimé Aristophane. Il avait généralisé le mot d’Eschyle sur lui-même et rangé Sophocle et Euripide parmi les fils d’Homère, ce qui prouve, jusqu’à l’évidence, que M. Hugo a sur l’histoire littéraire de l’antiquité des idées tout-à-fait personnelles. C’est là certainement des titres archéologiques, et l’Académie des Inscriptions ne saurait les méconnaître. Parlerai-je des découvertes nautiques de M. Hugo ? ai-je besoin de rappeler cette bienheureuse barcarole qui figura si gaiement dans la bataille de Navarin, et frappa de stupeur tous les officiers de notre marine ? Panseron et Bruguière, Romagnesi et Beauplan, qui jusque-là n’avaient vu leurs barcaroles que sur les pianos d’Erard ou de Pleyel, n’apprirent pas sans étonnement qu’ils étaient, à leur insu, ingénieurs de la marine, et qu’ils avaient prêté aide et assistance aux escadres combinées de la France, de la Russie et de l’Angleterre. MM. Letronne et Dureau de Lamalle, oseraient-ils contester l’érudition de M. Hugo ? Nous ne le pensons pas. Les découvertes que nous signalons sont présentes à toutes les mémoires, et ne peuvent être ignorées de ces messieurs.

Que si, contre notre attente, M. Hugo se retirait devant M. Mignet, et ne se présentait pas à l’Académie des Inscriptions, nous ne pourrions que le plaindre ; car la royauté, en se réservant les nominations du Luxembourg, n’a pas songé à s’attribuer les nominations de l’Institut, et M. Hugo rencontrera long-temps encore aux portes de l’Académie française un juge qu’il n’a jamais aimé, qu’il n’aimera jamais, la discussion.


G. Planche.

F. Buloz.