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précisément pour mission de faire les choses nécessaires, sous sa propre responsabilité, quand il s’agit de l’honneur et du sang de la France. Le découragement semble gagner la colonie, l’armée est mécontente. Le maréchal paraît confondre le despotisme et la fermeté ; il vient de renvoyer en France un officier distingué, M. Edmond Pelissier, qui avait fait de l’Afrique et de notre colonie une étude approfondie, et dont M. Clauzel n’avait pu apprendre la correspondance avec un de nos journaux que par des confidences amicales qu’il avait provoquées lui-même.

On commence à s’organiser pour l’hiver ; les salons vont se rouvrir. On dit que celui de Mme de Flahaut est l’objet des méditations de M. Guizot, qui voudrait y faire accepter son influence et sa coterie. Jusqu’à présent le salon de Mme de Flahaut (dont le mari a montré pour le jeune Louis Bonaparte un intérêt tout paternel), rendez-vous de la diplomatie et de l’aristocratie étrangère qui vient à Paris, s’est montré peu favorable aux prétentions ambitieuses et à la jactance imperturbable de l’école doctrinaire. M. Guizot voudrait dissiper ces inimitiés railleuses qui l’inquiètent, et il est question d’une haute intervention diplomatique pour ménager un traité de paix où l’on s’engagerait à une bienveillance réciproque.

Cependant M. Gasparin, le plus grand musicien du ministère, occupe ses loisirs avec les arts, et l’on sait que M. Guizot, aidé de M. de Rémusat, lui ménage de longs instans libres de soucis et d’affaires. Alors M. Gasparin se livre tout entier à l’art, il songe à la musique, il songe à son opéra, car M. Gasparin a fait un opéra qui devait accabler Rossini et ressusciter Grétry ; M. Gasparin est Français… en musique, et l’éclat de l’école italienne lui paraît une offense à l’honneur national. En général, toute musique qui n’est pas la sienne ne lui est pas agréable ; on l’a vu dormir à la répétition de la Esmeralda, comme pour protester courageusement contre un genre qui n’est pas le sien. M. Gasparin appartient en politique à la vieille musique française ; c’est le mélomane de Champein.


Sans chanter, peut-on vivre un jour ?


Il déplore ses grandeurs parce qu’elles sont un obstacle à sa gloire ; il ne siérait pas qu’un membre du cabinet se fit jouer à l’Opéra-Comique ; tout ce qu’il peut est de haranguer le Conservatoire en maître de chapelle de comédie, de donner des dîners musicaux. Nous adressons au ciel des vœux pour que M. Gasparin puisse servir un jour au public sa musique ; nous demandons à grands cris sa disgrace pour avoir son opéra, car il est de la destinée du génie d’éclater surtout dans le malheur.

À côté des distractions musicales de M. Gasparin, les affaires électorales fixent toujours l’attention des deux ministres de l’intérieur, M.  de