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REVUE. — CHRONIQUE.

mais on n’osait pas agir ouvertement : on s’est mis à la suite de l’Angleterre ; on aurait célébré en commun le triomphe du parti aristocratique, mais on était convenu de laisser à la Grande-Bretagne l’initiative et la responsabilité de l’entreprise. L’amiral Hugon avait deux espèces d’instructions ; les instructions officielles lui prescrivaient une exacte neutralité, et nous croyons que M. Molé les a signées sincèrement ; d’autres instructions enjoignaient une coopération prudente aux actes de l’amiral anglais ; il fallait ne rien compromettre, mais adhérer sur-le-champ aux résultats obtenus. Or, l’Angleterre ayant échoué, la France naturellement est restée immobile, et rien n’a trahi, aux yeux du peuple de Lisbonne, la pensée de son gouvernement ; mais au fond, elle était contre-révolutionnaire. Comment en douter quand l’organe le plus accrédité du ministère a pris soin de nous en instruire ? Il est vrai que, quelques jours auparavant, il avait célébré le système de la neutralité absolue ; le premier article avait été inspiré par la sage réserve de M. Molé, et le second rédigé sous la dictée de M. Guizot. Il faut convenir que cette unanimité du cabinet doit inspirer à l’Europe un grand respect pour notre politique, et il est donc écrit que partout où doit éclater une tendance contre-révolutionnaire, on rencontrera la trace et le nom de M. Guizot.

La tentative avortée de Lisbonne a singulièrement ébranlé lord Palmerston ; elle est en contradiction flagrante avec la politique naturelle des whigs, et les déconsidère vis-à-vis de la cause constitutionnelle et libérale du continent. Le parti whig est pauvre en hommes d’état capables de traiter avec l’Europe, et depuis long-temps il eût donné un successeur à lord Palmerston, s’il eût eu dans ses rangs un homme en état d’occuper le poste des affaires étrangères. Au reste, lord Palmerston se défendra vivement au parlement ; pressé entre les tories et les radicaux, il ne pourra se justifier qu’en accusant le cabinet français d’avoir déserté la politique de la quadruple-alliance ; les récriminations seront vives et les indiscrétions curieuses.

Alger vient d’être insulté par les Arabes, et la France, dont la puissance en face de ces barbares repose surtout sur le respect moral qu’elle inspire, a vu la capitale même de sa colonie menacée par l’ennemi qu’enhardissait l’absence de nos troupes marchant sur Constantine. Ainsi, au moment où s’accomplit une expédition lointaine, son effet, même heureux, est détruit par une attaque qui s’adresse au cœur de nos possessions. Avec cinq mille hommes de plus en Afrique, on eût évité ce fâcheux inconvénient ; mais le ministère est si constitutionnel, qu’il n’ose pas dépasser son budget. Nous espérons qu’on lui répondra à la tribune que la lettre tue et l’esprit vivifie, que le pouvoir exécutif a