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L’Espagne paraît en ce moment décidée à chercher son salut dans un heureux mélange de force et de modération. À l’armée, Rodil a été contraint de résigner son commandement, et il est sous le coup de la justice du pays. Son successeur Narvaez n’a pas attendu la division de Ribero pour se mettre à la poursuite de Gomez ; mais aussi ardent que Rodil s’est montré lent et perfide, il a su persuader aux soldats que la rapidité était déjà une première victoire, et que, dès que l’ennemi serait atteint, il serait vaincu. Dans le cabinet, il est question d’une nouvelle combinaison qui réunirait Calatrava et Mendizabal et leur adjoindrait des hommes politiques nouveaux, entre autres M. Olozaga, député de Logrono, l’un des auteurs de l’insurrection militaire de la Granja, et disposé à se montrer aujourd’hui aussi prudent qu’énergique. La modération paraît, au reste, conduire les cortès, dont le principal écueil était la déclamation et la violence : une immense majorité a déféré la régence à la reine Christine. Que les cortès, dont l’origine et les tendances sont nécessairement révolutionnaires, et qui ne pourraient être suspectes au pays, sachent se contenir en s’affermissant ; qu’elles rédigent une constitution vraiment libérale et pratique, en tête de laquelle elles écriront le principe de la souveraineté nationale et les glorieux souvenirs de 1812, et qu’elles identifient leur cause avec celle du siècle luttant contre le passé.

Dans ces derniers jours, le Portugal, plus encore que l’Espagne, a attiré l’attention, et Lisbonne a mis vivement en présence les deux constitutions qui, depuis quinze ans, ont essayé de lui donner la liberté. Nous avons déjà dit comment la charte de don Pedro pouvait passer à Lisbonne pour être plus libérale que le statut royal à Madrid ; mais les derniers évènemens viennent de donner à la constitution de 1822 une consécration d’indépendance nationale et marquer la charte de don Pedro d’une réprobation qui paraît irréparable. La majorité de la nation, qui repousse don Miguel, semblait, jusqu’aux derniers évènemens, indécise entre les deux constitutions, et ne pas attacher à l’une d’elles une préférence décisive ; mais dès qu’elle a vu l’Angleterre s’immiscer induement dans ses dissensions, son choix a été fait, et elle s’est prononcée pour la constitution que menaçait l’intérêt anglais. Lord Howard de Walden a fait maladroitement une démonstration intempestive, et il a dû rembarquer ses matelots après avoir assisté à la défaite du parti aristocratique. Quelle a été dans cette affaire la conduite de la France ? Lord Palmerston prétend dans le Morning-Chronicle que la France était complice de l’Angleterre, mais que, plus habile ou plus heureuse, elle n’a pas mis à découvert sa coopération. La tentative contre-révolutionnaire des 3 et 4 novembre jette un nouveau jour sur les divisions du cabinet du 6 septembre. Au fond on y désirait la contre-révolution au profit de la charte de don Pedro,