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REVUE. — CHRONIQUE.

rection de l’Italie. Contre la France, l’Autriche a le principe de la légitimité et le drapeau d’une guerre civile. M. de Metternich n’est pas homme à précipiter les choses, et à jouer la paix du continent en l’honneur d’une politique chevaleresque. Son flegme et son impassibilité doivent désespérer plus d’un fanatisme royaliste, et les partisans de l’ancienne légitimité doivent se résigner pour le moment à n’avoir d’autre occupation que de porter le deuil.

Le deuil est aujourd’hui la marque distinctive de tous ceux qui regrettent la maison de Bourbon ; c’est dire assez que la cour des Tuileries ne saurait le porter. Il serait curieux de voir le chef de la maison d’Orléans faire avec sa famille, les mêmes démonstrations que ceux qui travaillent à le renverser. On oublie d’ailleurs, que la loi du 10 avril 1831, déclare Charles X et ses descendans déchus du trône, et privés des droits civils. Comment porter le deuil public et officiel de celui dont les lois ont ainsi effacé l’ancien caractère royal et politique ? Que d’anciens serviteurs pleurent sincèrement le vieux monarque, cette douleur est légitime, et nul ne saurait songer à la troubler ; mais il y a loin de ces pieux et respectables regrets à cette douleur d’apparat, à ces parades lacrymatoires dont certaines personnes se disposent à faire pour cet hiver un signe de ralliement ; pendant six mois les blancs seront en noir, et il a été décidé que tous les honnêtes gens se reconnaîtraient à leur crêpe. M. l’archevêque de Paris n’a pas négligé cette occasion d’adresser à son clergé une circulaire qui n’était pas destinée à être lue dans les églises, mais que tous les journaux ont publiée, sans doute pour éviter le bruit et le scandale. Dans cette pièce, le prélat représente l’église comme obligée de lutter contre les mauvais jours qui pèsent sur elle ; à l’entendre, on se croirait au temps de Dioclétien ; on dirait le christianisme près de succomber sous la persécution. M. l’archevêque fait de la religion un singulier instrument de politique et de rancune, et nous ne savons pas ce que gagne l’Évangile à servir d’enveloppe à d’aigres ressentimens.

La mort de Charles X place d’une manière éclatante le parti du passé en face des intérêts nouveaux. Maintenant il y a en Europe deux prétendans, deux adversaires de la révolution et de la cause constitutionnelle, don Carlos et Henri V. Il y a entre ces deux princes solidarité intime, et il est impossible que les gouvernemens absolus de l’Europe ne les entourent pas de leurs vœux et de leurs espérances. C’est un avertissement pour la cause et les gouvernemens constitutionnels d’opposer à ces entreprises une étroite alliance ; il faut espérer que le ministère du 6 septembre comprendra les devoirs et la politique de la France, et nul mieux que M. Molé n’est fait pour les comprendre, si la partie doctrinaire du cabinet ne vient se mettre à la traverse.