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LES HUMANITAIRES.

évolutions diverses leur robe ne vint à se retrousser, elles se montraient nues, dans leurs exercices, devant les citoyens rassemblés. Mais, dit l’histoire, la pudeur publique sanctifiait cette nudité. Je ne suis point éloigné de le croire ; car, s’il y en avait de belles dans le nombre, il s’y devait trouver des correctifs. Tel était le peuple lacédémonien, sortant des mains du grand Lycurgue. Cependant les Ilotes labouraient la terre et mouraient de faim sur les sillons. Mais ceci n’est qu’épisodique, et il ne faut point s’y arrêter. Toujours est-il que cette république est, à peu de chose près, la réalisation des rêves du jour et le portrait de nos hyperboles.

Maintenant nos apôtres modernes nous diront-ils que cette peinture est le souhait de toute leur vie, et qu’ils ne demandent rien de mieux ? Cela peut tenter en effet, quand ce ne serait que par curiosité (je ne parle pas du costume des femmes), mais seulement pour voir ce qui adviendrait. Et aussi bien pourquoi ne pas essayer ? Mais voici un point embarrassant, et qui demande réflexion.

Si Lycurgue fut grand législateur, Montesquieu fut savant légiste : or sur les questions de ce genre, il avait parfois médité ; son avis pourrait être utile, mais qui s’en inquiète aujourd’hui ? « Montesquieu, vivant sous un prince, n’a pu montrer d’impartialité ; » ainsi parlent sans doute ceux qui ne l’ont pas lu ; ouvrons-le pourtant, si vous permettez. Il y a, je crois, dans l’Esprit des Lois, qui, dans son temps, fut un bon livre, certain chapitre qui nous irait. « Il est de la nature d’une république, y dit l’auteur, qu’elle n’ait qu’un petit territoire ; sans cela, elle ne peut guère subsister. Dans une grande république il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits ; il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d’un citoyen ; les intérêts se particularisent : un homme sent d’abord qu’il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie ; et bientôt qu’il peut être seul, grand sur les ruines de sa patrie. »

Que pensez-vous de ce petit morceau ? N’est-il pas fait pour notre histoire ? Mais continuons : « Un état monarchique doit être d’une grandeur médiocre. S’il était petit, il se formerait en république. S’il était fort étendu, les principaux de l’état pourraient cesser