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CONTEMPLATION.

que la foi seule opéra : la foi que les petits esprits appellent faiblesse, superstition, ineptie ! la foi qui est la volonté jointe à la confiance ; magnifique faculté donnée à l’homme pour dépasser les bornes de la vie animale, et pour reculer à l’infini celles de l’entendement.

La montagne, tronquée vers sa cime par l’éruption d’un volcan éteint depuis des siècles innombrables, offrit à mes regards une vaste enceinte de ruines, fermée par les remparts inégaux de ses dents et de ses déchirures. Une cendre noire, poussière de métaux vomis par l’éruption, des amas de scories bizarres et fragiles, que la vitrification préserve de l’action des élémens, mais qui, partout, craquent sous le pied comme des ossemens, un gouffre comblé par les attérissemens et recouvert de mousse, des murailles naturelles d’une lave rouge qu’on prendrait pour de la brique, les cristallisations gigantesques du basalte, les étincelles et les lames d’une pluie de métaux en fusion que fouetta jadis un vent sorti des entrailles de la terre, de grands lichens rudes et flétris comme la pierre qu’ils couvrent, des eaux qu’on ne voit pas et que l’on entend bouillonner sous les roches ; tel est le lieu sauvage où aucun être animé n’a laissé ses traces. Depuis long-temps je n’avais pas revu le désert : j’eus un instant d’effroi à l’aspect de ces débris d’un monde antérieur à l’homme. Un malaise inconcevable s’empara de moi, et je ne pus me résoudre à m’asseoir au sein de ce chaos. Il me sembla que c’était la demeure de quelque puissance ennemie de l’homme. Je continuai donc à marcher et à gravir jusqu’à ce que j’eusse atteint les dernières crêtes qui forment, autour de ce large cratère, une couronne aux fleurons orgueilleux et bizarres.

De là je revis les cieux et les mers, la ville, les campagnes fertiles qui l’entourent, le fleuve, les forêts, les promontoires et les belles îles, et le volcan, seul géant dont la tête dépassât la mienne, seule bouche vivante du canal souterrain où se sont précipités tous les torrens de feu qui bouillonnaient dans les flancs de cette contrée. Les terres cultivées, les hameaux et les maisons de plaisance se perdaient dans l’éloignement et se confondaient dans les vapeurs du crépuscule. Mais à mesure que le jour éclaira l’horizon, les objets devinrent plus distincts, et bientôt je pus m’assurer que le sol était encore fécond, que l’humanité existait en-