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je connaisse, de la grande sculpture en bois et des statues de grandeur naturelle. Or, il y a à Anvers, à la cathédrale, et surtout à Saint-Jacques, une multitude de statues de ce genre attachées aux chaires ou aux confessionnaux, et qui forment des groupes admirables. Pourquoi, en effet, le bois ne se prêterait-il pas aussi bien que le marbre et la pierre à l’expression de la pensée ? Le ton grisâtre de cette sculpture prend, comme le marbre, avec le temps, un poli, une teinte brillante, qui, sur un fond un peu sombre, ajoute au pathétique de la sculpture chrétienne. Tout est dit sur la cathédrale elle-même. Elle n’a point cette richesse d’ornemens extérieurs et ce luxe de détails que l’on admire dans plusieurs autres cathédrales, et, par exemple, dans la Notre-Dame de Paris. Mais la Notre-Dame d’Anvers a un clocher incomparable, presque aussi haut et plus élégant que celui de Strasbourg. La flèche de Strasbourg est un tour de force, ce qui nuit à l’effet d’art, du moins à mes yeux. Le clocher d’Anvers est d’une mesure et d’une grace parfaite ; il s’élance avec assurance et légèreté, et l’impression qu’il produit est à la fois grande et sereine. Sans doute, les vieilles tours de notre cathédrale, sorties de la nuit du xiie siècle, ont une majesté que personne ne ressent plus que moi, baptisé à Notre-Dame et élevé à l’ombre de ses murs ; mais, quant à l’art, il n’y a aucune comparaison entre les deux basiliques : l’une accable de sa masse et comme du poids de l’infini la chétive créature agenouillée sous ses voûtes ; l’autre la relève et la fait monter avec elle, sur les ailes de la Prière et de l’Espérance, par des degrés harmonieux, jusqu’à la région de la Paix. C’est du haut de ce clocher qu’il faut se donner le spectacle d’Anvers, et contempler ses ports, son bassin creusé par Napoléon, la Bourse, les Oosterlingen, toutes les églises qui se pressent autour de la cathédrale comme des filles autour de leur mère, et le cours majestueux de l’Escaut, qui conduit à la mer du Nord, par où naguère Anvers était un des plus grands entrepôts du monde. Mais le temps presse : hâtons-nous de passer de Belgique en Hollande.

Nous, quittons Anvers le 14 septembre, pour aller à Rotterdam, où nous arrivons le soir, en passant par Breda et par Dordrecht. À Breda est le mausolée d’Engelbert II et de sa femme, dont les quatre statues sont attribuées à Michel-Ange. Je ne vois guère