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approcher le plus près possible de l’armée assiégeante, sans lui inspirer assez de crainte pour qu’elle devînt plus attentive ; et, un soir qu’une bonne partie des troupes s’était dispersée dans la campagne pour aller au fourrage ou au pillage, saisissant l’occasion, il dirigea contre les lignes dégarnies une attaque soudaine et bien conduite. Les soldats neustriens, surpris dans leur camp au moment où ils pensaient le moins à combattre, ne purent soutenir le choc des assaillans, et les bandes de fourrageurs, qui revenaient une à une, furent taillées en pièces. En peu d’heures, le roi Gonthramn demeura maître du champ de bataille, et remporta ainsi, comme général, sa première et dernière victoire[1].

On ne sait quelle fut dans cette sanglante mêlée la contenance du roi Hilperik ; peut-être, durant l’action, fit-il des actes de bravoure, mais après la déroute, lorsqu’il s’agit de rallier les débris de son armée et de préparer une revanche, la volonté lui manqua. Comme il était dépourvu de prévoyance, le moindre revers le déconcertait et lui enlevait subitement toute présence d’esprit et tout courage. Dégoûté de l’entreprise pour laquelle il avait fait faire de si grands mouvemens de troupes, il ne songea plus qu’à la paix, et dès le matin qui suivit cette nuit de désastre, il envoya porter au roi Gonthramn des paroles d’accommodement. Gonthramn, toujours pacifique et nullement enivré de l’orgueil du triomphe, n’avait lui-même qu’une envie, celle de terminer promptement la querelle et de rentrer dans son repos. Il députa, de son côté, des envoyés qui, rencontrant ceux de Hilperik, conclurent avec eux, pour les deux rois, un pacte de réconciliation[2].

D’après ce pacte, formulé suivant la vieille coutume germanique, les rois traitèrent ensemble, non comme souverains indépendans, mais comme membres d’une même tribu, et soumis, malgré leur titre, à une autorité supérieure, celle de la loi nationale. Ils convinrent de s’en remettre au jugement des anciens du peuple et des évêques, et se promirent l’un à l’autre que celui des deux qui se-

  1. Qui die una jam vespere, misso exercitus, maximam partem de germani sui exercitu interfecit. (Greg. Turon. Hist. lib. vi, pag. 282.) — Cuneumque hostium, præ cupiditate ab aliis segregatum, crepusculo noctis aggressus ultima labefactavit pernicie. (Aimoini, monachi ; Floriac. De gestis. franc., apud script. rerum francic., tom. iii, pag. 90.
  2. Mane autem concurrentibus legatis, pacem fecerunt. (Greg. Turon. Hist. lib. vi, pag. 282.) — Adriani Valesii, rerum francic., lib. xi, pag. 158.