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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

avec eux[1]. La ville avait fermé ses portes, et la défaite de ses citoyens en rase campagne ne la rendait ni moins fière, ni plus disposée à se rendre aux sommations des chefs neustriens. Desiderius et ses deux collègues de race franke l’investirent de toutes parts, et, suivant les traditions affaiblies de l’art des Romains, ils se mirent à tracer leurs lignes et à construire des machines de siége[2].

Le rendez-vous assigné aux troupes qui devaient agir contre Melun, était la ville de Paris ; durant plusieurs mois, elles y affluèrent de tous côtés, et firent souffrir aux habitans toutes sortes de vexations et de dommages[3]. Dans cette armée recrutée au nord et au centre de la Neustrie, les hommes d’origine franke formaient le plus grand nombre, et la race indigène de la Gaule ne se trouvait qu’en minorité. Lorsque le roi Hilperik jugea qu’il avait réuni assez de monde, il donna l’ordre de départ et se mit en route à la tête des siens, par la voie romaine du sud-est. Les troupes longeaient la rive gauche de la Seine, qui, dès le voisinage de Paris, appartenait au royaume de Gonthramn. Elles marchaient sans ordre et sans discipline, s’écartant à droite et à gauche pour piller et pour incendier, enlevant les meubles des maisons, le bétail, les chevaux et des hommes qui, liés deux à deux, suivaient, comme prisonniers de guerre, la longue file des chariots de bagage[4].

La dévastation s’étendit sur les campagnes au sud de Paris, depuis Étampes jusqu’à Melun, et elle continua autour de cette dernière ville, quand les bandes neustriennes eurent fait halte pour l’assiéger. Sous la conduite d’un homme de guerre aussi peu expérimenté que l’était le roi Hilperik, ce siége ne pouvait manquer de traîner en longueur. Le château de Melun, situé, comme Paris, dans une île de la Seine, passait alors pour une place très forte par

  1. Duces quoque cum reliqua parte populi, ad civitatem pervenerunt, cuncta diripientes vel devastantes : talisque depopulatio inibi acta est, qualis nec antiquitus est audita fuisse, ut nec domus remaneret, nec vinea nec arbores ; sed cuncta succiderent, incenderent, debellarent. Nam et ab ecclesiis auferentes sacra ministeria… (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 281-282.)
  2. Adriani Valesii, rerum francic., lib. xi, pag. 157.
  3. Chilpericus… Parisius venit : ubi cùm resedisset magnum dispendium rerum incolis intulit. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 281.)
  4. Chilpericus verò jussit exercitum qui ad eum accessit, per Parisius transire. Quo transeunte et ipse transiit, atque at Miglidunense castrum abiit, cuncta incendio tradens atque devastans. (Ibid.)