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mutilé[1]. Phatir sollicita du roi, pour sa propre sûreté, la permission de retourner dans le pays d’où il était venu ; il partit pour le royaume de Gonthramn, mais les parens de Priscus se mirent en route sur ses traces, l’atteignirent, et, par sa mort, vengèrent celle de leur parent[2].

Pendant que ces choses se passaient à Paris, vers la fin de l’année 582, un évènement inattendu mit en rumeur la ville de Tours, assez paisible depuis trois ans, sous le gouvernement de son nouveau comte, Eunonius. Leudaste, l’ex-comte, y reparut, non plus d’une façon mystérieuse, mais publiquement, avec ses airs habituels de confiance et de présomption. Il était porteur d’un édit royal qui lui accordait la faculté de faire revenir sa femme d’exil, de rentrer dans ses biens immeubles, et d’habiter son ancien domicile[3]. Cette faveur, qui lui semblait le premier pas vers une fortune nouvelle, il la devait aux sollicitations des nombreux amis qu’il comptait à la cour, parmi les chefs de race franke, dont le caractère turbulent sympathisait avec le sien.

Durant près de deux ans, ils n’avaient cessé d’obséder de leurs instances, tantôt le roi Hilperik, tantôt les évêques du concile de Braine, tantôt Frédégonde elle-même, devenue plus accessible à leur influence depuis la mort des trois fils sur lesquels s’appuyait sa fortune. Cédant à un besoin de popularité, et faisant plier, devant l’intérêt du moment, sa haine et ses désirs de vengeance, elle consentit, pour sa part, à ce que l’homme qui l’avait accusée d’adultère fut relevé de l’excommunication prononcée contre lui. Sur cette parole d’oubli et de pardon, les amis de Leudaste se mirent en campagne pour solliciter plus vivement l’indulgence des évêques. Ils allèrent de l’un à l’autre, les priant d’apposer leur nom au bas d’un écrit, sous forme de lettre pastorale, qui portait que le condamné de Braine serait reçu, dorénavant, dans la paix de l’église et dans la communion chrétienne. On parvint à recueillir, de cette manière, l’adhésion et les signatures d’un

  1. Ipse postmodùm cum gladio de basilica egressus ; sed inruente super se populo, crudeliter interfectus est. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 276.)
  2. Phatir autem accepta licentia, ad regnum Guntchramni, undè venerat, est regressus : sed non post multos dies à parentibus Prisci interfectus est. (Ibid.)
  3. Leudastes in Turonicum cum præcepto regis advenit, ut uxorem reciperet, ibique commoraretur. (Ibid., pag. 282.)