place de ces esprits différens qui s’épuisent ; il n’y a plus de nations, et il n’y a point encore d’humanité.
Le peu de cas que les nations font d’elles-mêmes, en tant que nations, peut se mesurer exactement par l’habitude, par la menace, par la sollicitation des interventions armées qui tendent à devenir peu à peu le droit des gens en Europe. Supposé que ce droit s’établisse, bien des tumultes seront réprimés, bien des séditions étouffées ; on instituera même prématurément un cosmopolitisme informe. Mais quand on aura violé ainsi tout ce que les ancêtres honoraient ; quand l’idée de patrie dégradée par son propre abandon ne réveillera plus nulle part ni fierté, ni amour ; quand il n’y aura plus de barrière, plus de foyer, plus d’asile, il n’y aura plus de peuples, cela est vrai ; mais aussi il n’y aura plus d’hommes. Avant un siècle, si personne n’opposait à ces maximes une barre d’airain, l’Europe occidentale et continentale ne serait plus qu’une cohue de bourgeois sans feu ni lieu, sans valeur et sans cœur, prêts à devenir, comme ceux de Bysance, la proie du premier venu qui leur ferait l’honneur d’abaisser la main sur eux.