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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

spirituellement de toute éternité un fils qui n’est pas plus jeune d’âge que lui, ni moindre en puissance, et dont lui-même a dit : « Je vous ai engendré de mon sein avant l’étoile du jour. Ce fils né avant tous les siècles, il l’a envoyé dans les siècles derniers au monde, pour le guérir selon ce que dit ton prophète : Il envoya son verbe et il les guérit. Et quand tu prétends qu’il n’engendre pas, écoute ce que dit ton prophète parlant au nom du Seigneur : Moi qui fais enfanter les autres, est-ce que je n’enfanterai pas aussi ? Or, il entend cela du peuple qui devait renaître en lui par la foi[1]. » Le juif, de plus en plus enhardi par la discussion, repartit : « Est-il possible que Dieu ait été fait homme, qu’il soit né d’une femme, qu’il ait subi la peine des verges et qu’il ait été condamné à mort[2] ? »

Cette objection, qui s’adressait à ce que le raisonnement humain a de plus élémentaire, et pour ainsi dire de plus grossier, toucha l’esprit du roi par l’un de ses côtés faibles ; il parut étonné, et ne trouvant rien à répondre, il demeura silencieux. C’était pour l’évêque de Tours le moment d’intervenir[3] : « Si le fils de Dieu, dit-il à Priscus, si Dieu lui-même s’est fait homme, c’est à cause de nous, et nullement par une nécessité qui lui fût propre ; car il ne pouvait racheter l’homme des chaînes du péché et de la servitude du diable, qu’en se revêtant de l’humanité. Je ne prendrai pas mes témoignages des évangiles et des apôtres auxquels tu ne crois pas, mais de tes livres mêmes, afin de te percer de ta propre épée, comme on dit qu’autrefois David tua Goliath[4]. Apprends donc d’un de tes prophètes que Dieu devait se faire homme, Dieu est homme, dit-il, et qui ne le connaît pas ? et ailleurs : « C’est lui qui est notre Dieu, et il n’y en a pas d’autre que lui ; c’est lui qui a trouvé toutes les voies de la science, et qui l’a donnée à Jacob

  1. Ad hæc rex ait : Deus ab Spiritali utero Filium genuit sempiternum, non ætate juniorem, non potestate minorem de quo ipse ait… Quod autem ais, quia ipse non generet audi prophetam tuum dicentem ex vote dominicâ… (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 267.) — Psal. 109-3. — Psal. 106-90. — Isaïe, 66-9.
  2. Ad hæc Judæus respondit : Numquid Deus homo fieri potuit, aut de muliere nasci verberibus subdi, morte damnari ? (Ibid.)
  3. Ad hæc rege tacente, in medium me ingerens dixi… (Ibid.)
  4. Ut Deus, Dei Filius, homo fieret, non suæ, sed nostræ necessitatis exstitit causa… Ego verò non de evangeliis et apostolo, quæ non credis, sed de tuis libris testimonia præbens, proprio te mucrone confodiam, sicut quondam David Goliam legitur trucidasse. (Ibid.)