Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/516

Cette page a été validée par deux contributeurs.
512
REVUE DES DEUX MONDES.

en un mot pour être maîtres dans une maison qu’ils auraient bâtie ? Nous désirons que l’avenir démente et réfute nos prophéties ; mais, à vrai dire, nous ne l’espérons guère. Pourquoi M. Gasparin, ou plutôt M. Guizot caché derrière M. Gasparin, a-t-il signé l’ouverture d’un second Théâtre-Français ? N’est-ce pas tout simplement pour obtenir les louanges de MM. Dumas, Hugo et Delavigne ? Nous inclinons à le penser, tout en souhaitant que nos conjectures ne se vérifient pas.

Vainement objecterait-on que la scène de la rue Richelieu est envahie par l’ancien répertoire ; tout en admettant le mauvais vouloir des comédiens émérites, des sociétaires entêtés, nous croyons que M. Jouslin, administrateur intelligent, ne résistera jamais à l’évidence des recettes, et qu’il sera, en toute occasion, de l’avis de la foule ; car il n’a aucune opinion littéraire à soutenir. Si donc le triumvirat poétique a demandé l’ouverture d’un nouveau théâtre, l’envahissement de la scène de la rue Richelieu n’entre pour rien dans leur demande ; et le ministre en sait là-dessus autant que nous. Il n’a vu dans sa signature qu’une occasion de popularité. Reste à savoir si MM. Delavigne, Dumas et Hugo disposent de l’opinion : l’avenir nous l’apprendra.


M. Émile Souvestre, l’auteur des Derniers Bretons, vient de publier un nouveau roman, Riche et Pauvre[1]. Dans un cadre nettement défini, l’auteur a développé les conditions dramatiques de son talent. Il a su éviter de créer deux types qui n’auraient rien d’humain : un riche toujours criminel, un pauvre toujours vertueux. Ces deux hommes, placés vis-à-vis l’un de l’autre dans le monde, ne se combattent point sans motifs ni relâche ; ils poursuivent leur route, chacun avec les moyens dont il dispose ; et si tout réussit au riche, si tout manque au pauvre, c’est que la société le veut ainsi. Cette fable touchante, pleine de naturel et de vérité, dont l’Allemagne et la France sont tour à tour le théâtre, se termine par un appel à la vie sociale, qui doit tenir lieu au pauvre de la vie de famille. Nous reparlerons de ce livre, qui est appelé à un légitime succès.


— Le nouveau volume publié par M. Prosper Mérimée sur son voyage archéologique dans l’ouest de la France, ne le cède en aucun point aux notes de son Voyage dans le midi. C’est toujours le même amour pour la vérité, la même clarté dans l’exposition des renseignemens recueillis, la même impartialité, le même dédain pour les conjectures hasardées. C’est avant tout un livre utile, un livre de science, où l’abondance des faits se concilie heureusement avec la sobriété de la parole. Il est à souhaiter que M. Prosper Mérimée continue l’exploration archéologique de nos provinces.


F. Buloz.
  1. vol. in-8o, chez Charpentier, rue de Seine, 31.