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quentes m’eussent donné l’occasion de m’en entretenir avec lui. Il approuvera tout le premier, j’en suis sûr, que j’explique, à l’honneur de mon caractère, des circonstances où sa sagacité, si habile à dévoiler les faiblesses littéraires, s’est tout-à-fait méprise.

Voici les passages de l’article sur lesquels porteront les éclaircissemens :

« Élevé à la Sainte-Barbe Nicole, M. Nisard n’avait pas été nourri à haïr la restauration… »

« L’esprit de M. Saint-Marc Girardin, et son style beaucoup plus leste, préoccupaient aussi vivement M. Nisard : il s’en sentait tour à tour attiré ou repoussé…

« Mais bientôt l’esprit de Carrel le tenta. Et ce n’était pas l’esprit politique, la passion agressive de Carrel qui l’attirait, c’était l’excellence de l’écrivain, le bon sens qui persistait, si juste et si sain, au fond de l’humeur belliqueuse, et à travers cette noble bile (splendida, mascula bilis)… »

« M. Nisard mêlait dans une admiration, dans une apothéose qui peut paraître aujourd’hui encore singulière par l’assemblage, M. Saint-Marc, et M. Bertin l’aîné, et celui-là que, pour ne point irriter ses mânes, je ne nommerai pas près d’eux… »

Je suis obligé d’analyser le dernier grief. M. Sainte-Beuve fait l’histoire de mes déterminations. Après la révolution de juillet, remarque-t-il, il n’y avait pas à songer à devenir ou à continuer d’être le critique du romantisme poétique. Je tâtonnai quelque temps. Ni le rôle de critique officiel de l’école romantique, ni celui de feuilletoniste spirituel, malicieux, folâtre, déjà pris d’ailleurs, ni celui de critique consciencieux, sérieux, un peu singulier, recherchant les cas rares plutôt que la route générale et frayée, ne pouvaient me convenir. « M. Nisard n’avait donc plus, hors cela, qu’à tâcher d’être le critique sensé, général, de cette tradition qu’on avait tant attaquée, et à laquelle on n’avait rien substitué… »

Je ne ferai pas une réponse distincte pour chacune de ces interprétations en particulier : comme elles portent toutes sur le double changement qui m’a fait quitter le Journal des Débats pour le National, et les écrivains de l’école romantique pour les écrivains des grands siècles, le simple récit des circonstances qui ont déterminé ce changement répondra en gros à toute cette partie de biographie un peu arbitraire, et sera peut-être moins ennuyeux pour ceux des lecteurs que mes querelles particulières peuvent intéresser.

Quoique je ne tienne pas beaucoup à établir quelles étaient mes opinions politiques à l’âge de vingt-deux ans, alors que M. Bertin l’aîné