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LETTRES
D’UN VOYAGEUR.

No vii.

À Charles Didier.

Mon vieux ami, je t’ai promis de t’écrire une sorte de journal de mon voyage, si voyage il y a, de la vallée Noire à la vallée de Chamounix. Je te l’adresse, et te prie de pardonner la futilité de cette relation. À un homme triste et austère comme toi, il ne faudrait écrire que des choses sérieuses ; mais quoique plus vieux que toi de plusieurs années, je suis un enfant, et par mon éducation manquée et par ma fragile organisation. À ce titre j’ai droit à l’indulgence, et rien ne me siérait plus mal qu’une forme grave. Vous m’avez traité en enfant gâté, vous tous que j’aime, et toi surtout, rêveur sombre, qui n’as de sourire et de jeunesse qu’en me voyant cabrioler sur les sables mouvans et sur les nuages fantastiques de la vie.

Hélas ! gaieté perfide, qui m’as si souvent manqué de parole ! Rayon de soleil entre des nuées orageuses ! tu m’as fait souvent bien du mal ! tu m’as emporté dans les régions féeriques de l’oubli, et tu as laissé des spectres lugubres entrer dans les salles de ma