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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

mais la majorité du corps épiscopal resta calme, le clergé séculier se sépara de la démagogie turbulente de ses moines, et le saint office ne se releva plus. En vain, les vieilles bandes de la foi, furieuses qu’on leur mesurât les récompenses sur le dénuement du trésor, se soulevèrent en Catalogne contre Ferdinand et ses ministres franc-maçons ; l’armée des aggraviados succomba comme toutes les factions dont l’esprit se retire. L’on vit alors une main monarchique, qui sans doute aujourd’hui regrette son œuvre imprudente, accrocher à toutes les potences de la principauté les chefs d’un parti que don Carlos a vainement tenté d’y réveiller, parce qu’en cette crise de 1827 son dévouement s’épuisa avec son sang et avec sa foi.

Devant les mêmes causes on voit aussi tomber l’effervescence libérale ; on sent que toutes les orthodoxies politiques sont entamées à la fois. Tarifa et Almeria sont attaqués sans résultat, les frères Bazan restent sans concours à Alicante. Plus tard, Milans s’agite en vain sur la frontière de Catalogne ; et, chose plus grave, le contrecoup de la révolution de juillet ne remet pas même à flot une opinion qui a perdu en force tout ce que le pouvoir a paru gagner en intelligence. En Navarre, Valdès échoue en 1830 comme en 1824 il échouait en Andalousie ; Torrijos et sa troupe viennent se faire fusiller dans des provinces qui contemplent avec pitié sans doute, mais sans sympathie, leur défaite et leur massacre juridique ; Mina lui-même, dans sa fuite, rougit de son sang les pointes de ces rochers aigus qu’il gravit si souvent aux cris joyeux de ses compagnons de victoire. Toutes les tentatives de réfugiés essayées pendant six ans sur tous les points du royaume, au nom de la constitution de 1812, échouent sans trouver de concours, sans qu’une compagnie se soulève, qu’une ville s’émeuve, qu’une guerilla se mette en campagne, sans que la Puerta del sol se rappelle un instant ses beaux jours, les jours de Vinuesa et de Goiffieux.

C’est qu’évidemment ces idées perdent leur sève, et qu’un autre mouvement d’esprit se prépare. Les hommes destinés à en être les instrumens se groupent d’instinct autour d’une jeune reine qui vient ranimer les derniers momens d’une existence flétrie. Des espérances de paternité rattachent pour la première fois le triste monarque à l’avenir ; bientôt il faut défendre ce berceau sur lequel sa main défaillante a jeté son sceptre, faiblesse de père et de roi que les absolutistes de profession se sont ôté d’avance le droit de condamner, car ce parti, comme tous les autres, a succombé par l’abus de ses propres principes. Alors on dut s’attacher à constituer, comme une force politique, des hommes qui jusqu’alors n’avaient paru qu’isolément dans les affaires, et une révolution s’opéra parce qu’une occasion surgit, et que le nom de don Carlos était une menace