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nouvelle, et qui déjà proclamait un autre nom que le sien ? Il savait d’expérience qu’attendre de la constitution ; mais il ne pouvait ignorer, d’un autre côté, que le cri de vive l’inquisition était souvent accolé à un autre cri : de là nécessité d’écraser l’un et l’autre parti, de tenir entre eux une balance sanglante dans les deux plateaux de laquelle le comte d’Espagne jetait des têtes. Bessières paiera donc pour l’Empecinado ; Jeps del Estanys, Rafi-Vidal, Ballester, le père Pugnal, paieront pour les frères Bazan, pour les nombreuses victimes de Tarifa, comme plus tard Santos-Ladron devra payer pour Torrijos.

Non que Ferdinand fasse du juste-milieu ; il ne songe aucunement à constituer un tel parti, à proclamer ses maximes, à faire dominer ses intérêts. Il choisit seulement quelques hommes qu’il sait habiles, et qu’il oppose avec adresse, dans son conseil, à des hommes nécessaires, mais redoutables. En face de Calomarde et de Ugarte, ces valets-de-chambre politiques, vis-à-vis des Erro, des Eguia, des Aymerich, ces croupions de l’absolutisme, il pose et tient en équilibre les Zea, les d’Ofalia, les Recacho, les Burgos, les Ballesteros, les Zambrano, novateurs qui pactisent avec l’esprit de révolution au point de désirer que l’état ait quelque crédit, que ses dividendes, son administration et son armée soient payés, que l’industrie et le commerce se ravivent ; enfin, que les volontaires royalistes n’emprisonnent et n’assomment plus à discrétion. Ferdinand en est arrivé à se servir de chacun sans plus se livrer à personne, car tel, malgré son absolu dévouement, a des affinités révolutionnaires, tel autre voit en secret don Carlos et les deux infantes portugaises ; les constitutionnels sourient au premier, les apostoliques font des confidences au second ; que M. de Zea soit donc tenu en échec par Thaddeo Calomarde, et que dans les circonstances pressantes le duc de l’Infantado fasse contre-poids à l’un et à l’autre.

Ce rôle allait à un roi rendu sceptique par le malheur, et qui n’aimait pas plus sa famille qu’il n’en était aimé. L’Espagne, d’ailleurs, s’y prêtait sans résistance ; car, si dans son sein les partis, comme le pouvoir, conservaient les mêmes symboles, à leurs paroles et à leurs actes on sentait la voix qui tombe et l’ardeur qui s’éteint. Les volontaires royalistes faisaient encore parfois main basse sur les negros, ces chiens de negros qui avaient des idées libérales et de l’argent ; mais en les louant de leurs excellens sentimens, on osait les punir sans qu’ils osassent résister. On réclamait encore le rétablissement de l’inquisition ; des corps constitués firent plusieurs fois des représentations officielles sur l’urgence de cette mesure pour le trône et pour l’autel : je crois même que deux prélats la déclarèrent sur simple mandement rétablie dans leur diocèse[1] ;

  1. Les évêques de Tarragonne et d’Orihuela.