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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

française, en sortant, pût en finir avec elle. Le gouvernement français eût compris, si un parti n’eût ou fasciné sa vue ou forcé sa main, que pour lui, autant que pour l’Espagne, une transaction était plus désirable qu’une victoire. Or, le moyen le plus assuré de l’atteindre, était, ce semble, après l’occupation de la capitale et sous la menace d’une attaque immédiate, de négocier à Séville avec le roi, la partie modérée des cortès et la majorité du conseil d’état. On s’appuyait alors sur la grandesse[1] et sur les généraux, presque tous favorables à ces vues conciliatrices, qui seules déterminèrent leur soumission[2]. Mais on recula devant les sourdes résistances de Paris, plus que devant les résistances de l’Espagne, et des actes partiels vinrent attester au monde que l’on comprenait tous les devoirs de la France, sans être en mesure de les remplir[3].

Une régence s’installa, dont le premier acte fut de rappeler solennellement au ministère les mêmes hommes qui l’occupaient en mars 1820, en ayant soin de mettre en tête de cette liste, sans doute comme étiquette, le nom du confesseur royal D. Victor Saëz, ignorante médiocrité dont la seule mission était de rappeler les temps modèles de la monarchie espagnole, ceux du père Nithard et de Charles II. Toutes les mesures prises depuis trois années, toutes les réformes opérées dans les diverses parties de l’administration furent déclarées nulles et de nul effet ; la spoliation de créanciers dont les traités avaient eu pour gage la présence à Madrid de tous les ambassadeurs, fut proclamée en face d’un prince dont la maison avait accepté toutes les charges des cent jours ; tous ceux qui avaient occupé des fonctions sous le régime constitutionnel furent déclarés indignes et incapables d’en exercer aucune sous le gouvernement royal : tristes préludes des décrets de Port-Sainte-Marie et des proscriptions de Xérès.

Si la position de la France avait commencé par être fausse, elle devint intolérable lorsque Ferdinand, devenu libre, légitima toutes les violences, ne tenant compte ni des capitulations conclues sous le sceau de l’honneur par l’armée à laquelle commandait un prince de son sang, ni des conseils que murmuraient à son oreille tous les ambassadeurs de l’Europe, donnant d’abord un jour à la vengeance, avant de consacrer le reste de sa vie à un égoïsme plus froid et plus habile.

  1. Adresse à son altesse royale le prince généralissime à son entrée à Madrid.
  2. Lettre du comte de l’Abisbal au comte de Montijo, 11 mai. Proclamation de Morillo, 26 juin. Capitulation de Ballesteros, 4 août, etc.
  3. Lettre du duc d’Angoulême au roi d’Espagne, 17 août. Ordonnance d’Andujar qui interdit aux autorités espagnoles de faire aucune arrestation pour cause d’opinions politiques sans l’autorisation préalable des commandans des troupes françaises ; place sous la surveillance de ceux-ci tous les journaux et journalistes, etc.