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cères et qui d’abord le furent peut-être, l’Espagne s’associa, dans une unanime allégresse, à l’espoir d’un meilleur sort. Les écrivains les moins favorables à la révolution ne peuvent s’empêcher de reconnaître que tel fut le sentiment des premiers jours ; ils n’attribuent le refroidissement de l’opinion et les irritations populaires qu’aux mesures subséquentes adoptées par les cortès. Mais, en août 1836, Madrid a vu les triomphateurs violer les domiciles, pour y chercher des victimes, avec autant d’ardeur qu’ils en mettaient, en 1820, à ouvrir les cachots, pour les vider ; Madrid a vu se partager avec une joie de cannibales les chairs palpitantes du seul homme qui sût y faire encore son devoir. Alors l’Espagne a tremblé sur elle-même, son enthousiasme a pris je ne sais quelle expression douloureuse et convulsive, et elle a tout laissé faire, parce qu’elle semble désormais incapable de rien empêcher.

Au dehors, grande a été la joie dans le parti qui, depuis trois ans, a les yeux fixés vers la Navarre, comme sur la sainte montagne d’où viendra le secours ; grande aussi a été la douleur parmi les hommes qui osaient prédire à la Péninsule de meilleurs jours, en la voyant échapper pour la première fois à la tyrannie des partis exclusifs et des passions inexorables. Quelque illusion qu’une portion considérable de la presse, en France et en Angleterre, se soit complu à entretenir sur ce point, il semblait difficile de douter que l’exhumation du code de Cadix ne profitât pas à la fois à don Carlos et aux adeptes des sociétés anarchiques, et ne servît en définitive les intérêts du premier, parce que, sans être une garantie pour l’avenir de l’Espagne, il serait peut-être un refuge pour un jour de tempête.

Ce qui avait blessé à mort le dernier gouvernement, c’était un système de persécution inique contre les hommes, impuissant contre les idées. La restauration était tombée en s’associant à une réaction aristocratique et monacale, repoussée par la noblesse éclairée qu’on plaçait hors du droit commun sans aucun avantage, et dans laquelle les hommes de conscience et de lumière voyaient une épreuve terrible pour le dogme catholique, à l’immutabilité duquel on prétendait associer des formes transitoires et des institutions sans vie.

Si la force de tout gouvernement qui s’élève gît dans le principe dont la méconnaissance fit choir celui qui l’a précédé, l’expérience traçait aux cortès la seule voie qu’elles dussent suivre. La restauration française a succombé sous les intérêts bourgeois, devenus le point d’appui de la monarchie nouvelle. La restauration espagnole périssait par le manque de crédit au dehors, et, au dedans, par les désordres d’une administration qu’on s’était refusé à refondre, quoiqu’elle ne fonctionnât plus. Là était le mal, là devait porter le remède. En donnant ample