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quelque crédit en affectant les biens de l’inquisition à leur remboursement[1]. Cette hypothèque détruite, il en fallait nécessairement une autre ; et où la chercher, dans la pénurie de l’Espagne, ailleurs que dans les biens de main-morte ? Malgré de vives résistances, une négociation dut s’engager dans ce sens avec la cour de Rome, qui, sans accorder tout ce que réclamait le ministre, le mit cependant en mesure de préparer un plan de finances[2]. Les valès avaient d’abord été réduits au tiers de leur valeur nominale : une cédule royale du 3 avril 1818 ordonna que les non consolidés seraient admis à remplacer les autres par degré d’extinction et au moyen d’un tirage au sort. Enfin, une disposition générale opéra cette même année la classification de la dette en deux parties, l’une portant intérêt à quatre pour cent, l’autre étant considérée comme créance reconnue, mais sans intérêt.

On connaît le mot : J’aimerais mieux vous devoir toute ma vie que de nier ma dette un seul instant. Cela s’appelait en 1818 comme en 1834 équilibrer un budget. On voit que ces traditions sont de vieille date en Espagne, et qu’elles appartiennent à tous les gouvernemens qui s’y sont succédé.

Mais ces expédiens ne suffisaient pas, et M. de Garay avait compté sur des ressources que la cessation complète du commerce et l’état désastreux de l’agriculture rendirent de jour en jour plus illusoires. Les évènemens de l’Amérique réclamaient, d’ailleurs, des mesures auxquelles, dans ses plus beaux jours, l’Espagne aurait eu peine à faire face. Garay essaya donc, mais sans succès, de reprendre en sous-œuvre quelques plans des deux législatures, comme l’établissement et l’égale répartition de l’impôt direct, la suppression des immunités financières des provinces et des corporations, l’ouverture de quelques ports francs, et la modification des anciens tarifs : toutes ces tentatives furent vaines.

Rien ne semblait pouvoir désormais relever ni le crédit, ni l’industrie

  1. Déjà, en 1814, une immense dette étrangère pesait sur l’Espagne, et la bonne foi fut loin de présider à sa liquidation. La Hollande avait fait, en 1807, au ministère de Godoy un prêt de 72,000,000 qu’on hésita long-temps à reconnaître. Les réclamations françaises, dont le réglement dut s’opérer en vertu de la convention du 25 avril 1818, suscitèrent mille difficultés entre les deux cabinets. Enfin, le gouvernement espagnol ne sut rien trouver de mieux, pour diminuer la masse de ses engagemens, que de déclarer déchus de leurs droits à une liquidation, tous les porteurs de titres par possession ancienne ou par acquisition qui les auraient présentés à l’intrus, et en auraient obtenu la liquidation en reconnaissance ou inscription sur les livres de ce gouvernement.
  2. Bulle du 26 juin 1818, qui permet d’appliquer, pendant deux ans, les revenus et produits des prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques de nomination royale qui viendraient à vaquer, à l’extinction de la dette publique, ordonne la vacance des bénéfices de libre collation pendant six années, et l’application de leurs revenus et du produit des annates à la même destination.