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toutes les exigences qui distingue les réactions, dans quelque sens qu’elles s’opèrent. Non content de rendre aux couvens tous les biens dont les cortès avaient disposé[1], on ne tint plus compte des mesures antérieurement négociées avec la cour de Rome dans le double intérêt des finances de l’Espagne et de la discipline ecclésiastique. En même temps qu’une cédule royale rétablissait le Saint-Office, se fondant sur ce que « l’usurpation et les prétendues cortès avaient regardé la suppression de ce tribunal comme une mesure très efficace pour servir leurs projets pervers[2], » on rappelait les jésuites[3] en leur rendant les biens qui avaient appartenu à leur société dans le siècle précédent.

L’administration du royaume fut remise avec le plus grand soin dans la séculaire confusion que tant de ministres s’étaient appliqués à corriger. En place de l’heureuse division territoriale décrétée par les cortès, reparurent ces provinces régies par des capitaines-généraux, cumulant certaines attributions judiciaires avec la plénitude de l’autorité militaire et administrative. Enfin, au sommet de cette hiérarchie, on vit se relever, triomphant des révolutions et de l’expérience, ces conseils de Castille, des Indes, des Ordres, des Finances, de la Marine et de la Guerre ; autorités indépendantes du ministère et presque du souverain lui-même, que leurs traditions rendaient hostiles à toute réforme entreprise dans l’intérêt du pouvoir ou des peuples, et qui firent si long-temps de la monarchie espagnole un despotisme tempéré par l’impuissance.

Inutile de descendre des faits eux-mêmes à leurs ignobles instigateurs, et des enseignemens de l’histoire aux mémoires des valets de chambre. Il est trop vrai que quelques prêtres intrigans des rangs les moins élevés de la hiérarchie sacerdotale, que des serviteurs attachés à la domesticité du monarque, formèrent autour de Ferdinand cette camarilla fameuse dont un ministre étranger devint l’ame, afin sans doute de trouver à dépenser dans les loisirs d’une cour de second ordre une activité d’esprit qui devait laisser à Madrid de si funestes souvenirs.

Ce qui suscite le plus de dégoût contre les gouvernemens asiatiques, c’est de voir des êtres auxquels n’appartient pas même le nom d’hommes, s’élever soudain aux premières charges de l’état pour prix de services sans nom rendus dans l’obscurité d’un sérail, et pourtant, durant six années, l’Europe dut contempler avec un sentiment analogue cette Pé-

    telles doctrines sont froides et ternes au jour brillant des révolutions ; toutefois, dans la situation de l’Espagne, on serait heureux de pouvoir y recourir pour les terminer.

  1. Décret du 21 mai 1814.
  2. Décret du 14 juillet 1814.
  3. Décrets du 29 mai 1815 et du 6 juillet 1816.