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DÉMÊLÉS DE LA FRANCE ET DE LA SUISSE.

résultat a pleinement confirmé toutes les indications précédemment recueillies, et jeté un grand jour sur l’ensemble de la question. Il a été prouvé qu’un sieur Schuler, professeur de Darmstadt, naturalisé bourgeois du canton de Berne, y était le chef de l’association de la Jeune-Allemagne ; qu’il avait, sous le nom de Bauer, signé la circulaire de convocation pour la réunion des Granges ; qu’il s’y était rendu, mais que prévenu à mi-chemin de l’arrestation de Mazzini, il était rentré dans le canton de Berne avec les autres députés des sections, et que tous ensemble avaient tenu à Brugg, le 28 mai, une espèce de conférence sur le parti qu’il convenait d’adopter. On y avait ajourné l’exécution du projet dont les délégués de toute l’association devaient s’occuper aux Granges, et qui n’était rien moins que le projet d’une expédition à main armée contre le grand-duché de Bade, par la Forêt-Noire.

Voilà effectivement ce que Rauschenplatt était venu faire en Suisse. À peine arrivé, il avait décidé la convocation d’une assemblée générale de tous les clubs pour le 28 mai ; il avait mis en campagne plusieurs de ses amis pour sonder les dispositions des réfugiés et les préparer à l’exécution de son projet. Ce projet fut sérieux car le gouvernement de Bade a saisi des lettres qui s’y rapportaient et qui ne laissent aucun doute sur l’étendue des mesures prises par son auteur pour en assurer le succès. Cependant il n’y comptait pas lui-même ; et comme s’il avait voulu prévenir toute objection tirée du peu de chances favorables qu’il offrait, Rauschenplatt disait, pour le justifier, qu’il fallait à tout prix sortir de l’inaction, réveiller le zèle et ranimer les espérances des frères et amis en Allemagne, et inquiéter les gouvernemens. Il ne serait pas impossible que cet esprit à combinaisons profondes eût voulu jouer un autre jeu. On comprendrait facilement qu’il eût fait de son expédition contre le grand-duché de Bade, une spéculation pour attirer sur la Suisse de nouvelles menaces et de nouvelles exigences de la part des puissances allemandes, avec l’espoir de pousser les radicaux, beaucoup plus forts qu’en 1834 à une résistance opiniâtre, et par suite d’amener un état de guerre déclarée. Nous nous empressons d’ajouter que c’est là une simple supposition. Mais il doit y avoir, parmi les chefs de la propagande européenne, quelques hommes qui se rendent compte de la véritable situation des choses et de la disposition générale des esprits ;