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DÉMÊLÉS DE LA FRANCE ET DE LA SUISSE.

en cette occasion fut désastreuse, parce qu’elle donna aussitôt à penser qu’on n’obtiendrait rien de la Suisse, si on ne l’exigeait hautement, et que, pour vaincre la résistance des états où le radicalisme domine, il faudrait intéresser et compromettre la Confédération tout entière. Or, voici ce qui est arrivé après la découverte des autorités de Zurich.

Une lettre de M. Hess, bourgmestre de ce dernier canton, en prévient le gouvernement de Soleure. Il signalait comme devant présider la réunion convoquée aux Granges le réfugié Mazzini, qui, pour avoir fait partie de l’expédition de Savoie, avait perdu le droit de résider sur le territoire helvétique. L’état de Soleure prend alors des mesures, mais avec le plus grand éclat, de sorte que le plus grand nombre des personnes qui se rendaient à la réunion en sont informées et rebroussent chemin. D’un autre côté, Mazzini, Harro-Harring et les deux frères Ruffini qui étaient aux Granges ont le temps de faire disparaître ou de détruire leurs papiers, et après avoir délibéré sur la conduite à tenir, décident qu’il vaut mieux ne pas bouger du village où ils se trouvaient, pour ne pas justifier les soupçons et s’avouer coupables par leur fuite. En conséquence, ils se laissèrent arrêter sans opposer de résistance et conduire à Soleure. Le lendemain, le gouvernement de Soleure les relâcha, en leur ordonnant de sortir du canton.

Ce qui a donné l’éveil à la police de Zurich, c’est une réunion de vingt ou trente ouvriers et réfugiés allemands, qui s’est tenue dans les environs de cette ville au milieu du mois de mai, peu de temps après le retour de Rauschenplatt en Suisse. Elle excita d’autant plus son attention, qu’une servante de l’auberge où l’assemblée avait eu lieu, rapporta qu’elle avait entendu un de ces réfugiés demander à plusieurs reprises si telle personne devait mourir, et que le plus grand nombre avait répondu : « Oui, elle doit mourir. » Or, cette circonstance paraissait indiquer qu’entre autres choses, la réunion s’était occupée d’un de ces jugemens mystérieux auxquels la voix publique attribuait déjà le meurtre d’un étudiant prussien, nommé Lessing, probablement soupçonné d’espionnage et de trahison par ses associés de la Jeune-Allemagne. En suivant les traces de la dernière assemblée, le conseil de police de Zurich espérait remonter jusqu’aux auteurs de l’assassinat de Lessing, qui avait donné lieu à une procédure criminelle